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ARCHIVÉ - Examen des dépenses et comparabilité - Volume Un - Rapport d'analyse et recommandations

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13. Questions de rémunération liées aux salaires

Outre les réformes générales préconisées dans les deux chapitres précédents, nous examinons, dans ce chapitre et le suivant, certaines questions de rémunération plus spécifiques rejoignant une douzaine de domaines. Il n'est pas aussi essentiel d'apporter des changements dans ces domaines que dans ceux de la transparence et de la gestion. Néanmoins, globalement, des améliorations dans ces domaines particuliers aideraient beaucoup à instaurer un régime de rémunération favorisant la réussite de la fonction publique dans un monde en pleine transformation.

Structure des groupes professionnels

Dans le chapitre précédent, nous avons indiqué qu'il serait souhaitable que chaque employeur fédéral adopte une structure de groupes professionnels (et une structure correspondante d'unités de négociation) convenant bien à la nature de la mission de l'organisation. À titre illustratif, nous traitons de cette question plus en détail ici pour le noyau de la fonction publique. Cela comprend bien sûr la plupart des grands ministères du gouvernement, dont le Conseil du Trésor est l'employeur officiel, même si la gestion courante du lieu de travail incombe aux sous‑ministres et aux gestionnaires ministériels.

La figure 1004 du chapitre 3 montre la structure actuelle des groupes professionnels pour le noyau de la fonction publique. Cette structure a été créée en 1999[175] afin de réunir en 29 groupes les quelque 70 groupes établis lorsque la négociation collective a été instaurée dans la fonction publique fédérale en 1967.

En vertu de modifications législatives approuvées par le Parlement en 1993, le gouvernement avait le pouvoir de déterminer comment l'effectif serait structuré aux fins de la classification et de la négociation collective[176]. La décision d'instaurer une structure globale a été prise dans le contexte de la réintroduction, en 1997, de la négociation collective après une interruption de six ans, et du fait que l'on s'attendait à ce qu'une seule norme de classification universelle soit bientôt adoptée. On peut comprendre que, dans ces circonstances, le gouvernement ne voulait pas contrarier les syndicats du secteur public en apportant à la structure des groupes professionnels des changements qui n'auraient pas respecté les affiliations syndicales existantes. Cependant, la nouvelle structure représentait tout au plus un compromis du point de vue de la saine gestion des ressources humaines et de la rémunération.

Les problèmes non réglés, voire aggravés, par la nouvelle structure étaient les suivants :

La définition du groupe Services des programmes et de l'administration (PA) est tellement vague qu'elle ne convient plus. Sur le plan des relations de travail, il est irréaliste de penser qu'il puisse y avoir une réelle communauté d'intérêts entre les agents des libérations conditionnelles du Service correctionnel, les commis s'occupant des transactions courantes, les conseillers principaux en politiques des ministères opérationnels et les gestionnaires des bureaux locaux où travaillent des centaines de personnes.

Parmi les autres groupes professionnels particulièrement hétérogènes, il y a les groupes Services de santé (SH) et Services techniques (TC). Leurs sous‑groupes ont peu de choses en commun mais ont des liens étroits avec d'autres groupes. Par exemple, les inspecteurs techniques du groupe TC ont surtout des affinités avec les titulaires de divers postes du domaine de la réglementation des transports, alors que certains technologues de ce groupe exercent des activités s'apparentant davantage à celles du groupe Sciences appliquées.

D'autres groupes ont un noyau bien défini mais comprennent des emplois moins nombreux et en grande partie non reliés. Un bon exemple est le groupe Recherche (RE), dominé par les chercheurs et les scientifiques de la défense. On accorde peu d'attention dans ce groupe aux intérêts des mathématiciens, qui travaillent en général avec des membres du groupe Économique et services des sciences sociales (EC) ou à ceux des spécialistes de la recherche historique.

Le groupe Systèmes d'ordinateurs (CS), qui a connu la plus forte croissance ces dernières années, est en fait composé de deux types distincts d'employés : un groupe de niveau supérieur, qui apporte des connaissances essentielles dans un monde reposant sur les technologies de l'information, et un groupe plus opérationnel qui ressemble à bien des égards au personnel administratif du groupe PA.

En contrepartie, les changements dans l'économie en général plaideraient probablement en faveur de la création d'un nouveau groupe Gestion de l'information, qui réunirait des emplois faisant actuellement partie de plusieurs classifications et groupes professionnels.

Certains groupes existent en tant qu'entités distinctes simplement parce qu'ils sont représentés par des syndicats différents. Trois groupes, Réparation des navires (Est), Réparation des navires (Ouest) et Chefs d'équipe de la réparation des navires, ne comptent qu'au plus 1 400 employés exerçant des responsabilités semblables pour le même ministère, celui de la Défense nationale.

Comme nous l'avons fait remarquer dans la section traitant des employeurs distincts, le groupe Vérification, commerce et achat (AV) ne représente qu'un mariage de raison, les groupes de référence sur le marché du travail externe pour les vérificateurs et les responsables des achats n'étant aucunement reliés.

D'autres exemples d'illogisme structurel pourraient être présentés. Les exemples fournis suffisent toutefois à démontrer que la structure actuelle de groupes professionnels fonctionne surtout parce que les gestionnaires et les employés y sont habitués et trouvent des solutions de rechange, au besoin, pour mener à bien les activités gouvernementales.

Il n'est pas raisonnable d'accepter qu'un tel illogisme soit immuable simplement parce qu'il existe ou parce que certains syndicats s'opposeraient à la création de groupes représentant une réelle communauté d'intérêts si cela entraînait la perte de membres. Ce n'est qu'en procédant à une restructuration des groupes que l'on pourra espérer que les employés constatent les intérêts qu'ils ont en commun avec les autres membres de leur groupe et établir des comparaisons significatives avec le marché du travail externe.

Transformer la structure des groupes professionnels est aussi une conséquence nécessaire de la décision prise par le Conseil du Trésor en 2002 de mettre fin aux travaux concernant une norme de classification universelle. Si tous les emplois de la fonction publique fédérale étaient évalués selon une seule norme, leur structuration par groupe professionnel aurait peu d'importance[177]. Étant donné que nous continuons de reconnaître les groupes professionnels pour établir la rémunération, en nous assurant que les normes de classification des groupes réduisent au minimum le sexisme et que, globalement, chaque employeur accorde un salaire égal pour un travail de valeur égale, il faut que la structure des groupes professionnels soit manifestement logique.

En fait, déterminer la meilleure façon de restructurer nos groupes professionnels va au-delà du mandat et des ressources du présent examen. Cette tâche, qui n'est pas excessivement difficile en principe, devra donc faire partie du suivi. Ce travail pourrait toutefois facilement s'enliser en raison de conflits au sein des syndicats et entre ceux-ci et, évidemment, entre les syndicats et l'employeur. Il est à prévoir que les syndicats de la fonction publique soient peu disposés à relever ce défi, car cela remettrait en question la répartition des membres au sein des syndicats et, partant, leur taille relative et le montant des cotisations perçues – et peut-être même l'existence de certains petits syndicats.

La meilleure approche reposera à la fois sur les conseils de spécialistes externes, des conversations franches entre employeur et syndicats en présence d'un médiateur, une décision de l'employeur concernant la structure de groupes professionnels la plus logique et la détermination, par un arbitre de la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique, des unités de négociation convenant le mieux à la nouvelle structure de groupes professionnels. Les autres employeurs fédéraux dont les structures de groupes professionnels et d'unités de négociation ne conviennent pas à leur besoins opérationnels pourraient entreprendre un processus semblable. En dernier recours seulement, si cette approche ne donne pas de bons résultats dans un délai raisonnable (peut-être trois ans), le gouvernement fédéral pourrait envisager d'appliquer, à l'aide d'une loi, une structure convenable de groupes professionnels et d'unités de négociation.

Idéalement, l'employeur procéderait aux analyses et aux consultations nécessaires et choisirait une nouvelle structure qui offrirait un cadre solide pour tous les aspects de la gestion des ressources humaines. La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique[178] accorde ce pouvoir au Conseil du Trésor et aux employeurs distincts. Ce pouvoir n'est subordonné qu'à celui qu'a la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) de déterminer les unités de négociation aux fins de la négociation collective. La CRTFP devrait cependant accepter une structure de groupes professionnels convenable adoptée par l'employeur.

Ce travail s'est avéré difficile principalement en raison des controverses inévitables concernant les changements possibles à la composition des syndicats. Il faudra réfléchir clairement et faire preuve de courage et de détermination. Il est toutefois urgent de mettre en place une structure solide, qui est essentielle pour une si grande partie du travail à accomplir pour gérer efficacement la rémunération dans le secteur public fédéral. Si, pour quelque raison que ce soit, le Conseil du Trésor ou un employeur distinct se sentait incapable d'accomplir rapidement ce travail, il faudrait renvoyer la question à un groupe d'experts qui serait chargé d'évaluer les options et de proposer une structure réaliste.

Plus spécifiquement, nous faisons les recommandations suivantes :

Recommandation 10

10.1 Après avoir consulté les syndicats de la fonction publique et des experts externes compétents, le Conseil du Trésor[179] devrait publier un projet de structure de groupes professionnels et d'unités de négociation qui réunirait de façon appropriée les employés ayant des conditions de travail et des intérêts communs et faciliterait la comparaison avec le marché du travail canadien. Ce travail devrait être complété dans un délai de douze mois.

10.2 Dans les six mois de la publication de cette proposition et après un débat public, le gouverneur en conseil devrait proclamer l'adoption d'une nouvelle structure de groupes professionnels pour le noyau de la fonction publique.

10.3 Si, pour quelque raison que ce soit, les responsables du portefeuille au Conseil du Trésor ne pouvaient mener à bien promptement ce projet, le président du Conseil du Trésor devrait envisager de constituer un groupe d'experts qui serait chargé de formuler une proposition indépendante sur la base de laquelle le gouverneur en conseil proclamerait l'adoption d'une nouvelle structure de groupes professionnels.

10.4 La Commission des relations de travail dans la fonction publique devrait ensuite déterminer le plus rapidement possible la structure appropriée d'unités de négociation correspondant à la nouvelle structure de groupes professionnels.

10.5 En dernier recours, s'il n'y avait aucune autre façon d'adopter dans un délai de trois ans une nouvelle structure appropriée, le gouvernement devrait envisager de recourir à une loi pour mettre en place un tel cadre.

10.6 Les autres employeurs distincts fédéraux devraient entreprendre un processus parallèle mais différent pour adapter leurs structures de groupes professionnels et d'unités de négociation à leurs activités, également dans un délai de trois ans.

Réforme de la classification

Les normes et les structures de classification sont importantes car elles définissent le cadre de détermination des salaires. Elles permettent d'évaluer la valeur relative d'un emploi par rapport à d'autres emplois. Les négociations collectives ou les décisions de la direction déterminent ensuite le taux de rémunération pour chaque niveau de chaque groupe. Un système de rémunération convenable repose donc sur un système de classification logique.

Tel que noté précédemment, les groupes professionnels ont été regroupés aux fins de la négociation collective en 1999. Toutefois, aux fins de la classification, on utilise encore essentiellement les quelque 70 groupes créés lorsque la négociation collective a été adoptée en 1967. Plusieurs des normes de classification connexes ont été révisées ou mises à jour périodiquement. Cependant, nombre d'entre elles sont manifestement désuètes et les nouveaux groupes professionnels réunissant d'anciens groupes professionnels ne s'accompagnent pas de normes de classification.

La réforme de la classification s'est révélée difficile à accomplir pour le noyau de la fonction publique presque tout au long des deux dernières décennies. Cela est attribuable, en grande partie, aux efforts faits pour créer une norme de classification universelle unique qui aurait permis d'évaluer toutes les formes de travail dans la fonction publique selon une seule échelle de valeur non sexiste. Une telle norme aurait permis la négociation d'une seule structure salariale pour tous les emplois du noyau de la fonction publique. En revanche, comme nous l'avons mentionné, cet objectif a été abandonné en 2002, surtout parce qu'on a reconnu la grande diversité du travail accompli dans la fonction publique fédérale et la nécessité de maintenir des liens raisonnables avec le marché du travail externe[180].

Depuis 2002, l'approche consiste à moderniser les normes de classification groupe par groupe. Il faut alors s'assurer que les nouvelles normes n'entraînent pas de discrimination entre hommes et femmes. Même si les normes de classification demeurent une prérogative de la direction et ne sont pas elles‑mêmes visées par la négociation collective, les éventuelles structures salariales doivent être négociées. Dans les faits, revoir une norme de classification suppose donc un dialogue étroit avec le syndicat concerné tout au long du processus.

Des discussions intensives avec l'Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE) et les principaux ministères employeurs au sujet de la norme Service extérieur (FS) ont donné lieu à une nouvelle norme de classification et à une structure à quatre niveaux. Un projet de norme a été élaboré pour le nouveau groupe Services frontaliers (FB) créé lors de la mise sur pied de l'Agence des services frontaliers du Canada, dont les effectifs provenaient principalement de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. De nouvelles normes sont en cours d'élaboration pour les groupes Économique et services de sciences sociales (EC), Droit (LA), Systèmes d'ordinateurs (CS), les trois groupes Réparation des navires (SR) et le groupe Services des programmes et de l'administration (PA). De plus, certains points épineux touchant, par exemple, à la classification des agents des pêches, ont été réglés dans le contexte des normes existantes.

Dans l'ensemble, ce travail est lent et difficile. Nous devons absolument poursuivre la modernisation de nos normes de classification. Toutefois, le travail de modernisation de la structure des groupes professionnels décrit dans la section précédente devrait logiquement avoir préséance. Les priorités à court terme pour la réforme de la classification devraient donc viser les groupes qui ne changeront probablement pas dans le cadre de la restructuration des groupes professionnels. Une fois la nouvelle structure en place, il faudra déterminer la meilleure approche et les étapes à suivre pour moderniser les normes de classification connexes.

Cependant, peu importe le scénario, il faudra de nombreuses années pour mettre à jour les structures de groupes professionnels et les normes de classification. Il convient donc de se demander ce qu'il y a lieu de faire dans l'intervalle. Dans ce contexte, nous devons remettre en question le principe fondamental de ce que nous pourrions appeler l'approche traditionnelle en matière de classification. Celle-ci prévoit l'attribution, en fonction d'une norme complexe, de nombres précis de points pour des degrés particuliers de certains facteurs considérés importants dans l'évaluation d'un poste. Ces points sont additionnés, puis le poste est assigné au niveau de classification correspondant au nombre total de points. Ce processus suppose une précision quasi scientifique. On semble aussi supposer que ce qui est demandé au titulaire du poste est stable et bien défini. Toutefois, la classification n'est vraiment, en définitive, qu'un jugement global visant à déterminer si, à un moment donné, un poste particulier a une importance plus ou moins grande que certains postes-repères dont la classification est bien établie.

Tel que décrit au chapitre 10, dans un monde où les demandes changent rapidement, le système de classification que nous connaissons est de plus en plus anachronique. Le travail qui consiste à rédiger de longues descriptions de travail pour accumuler des points par rapport à une norme de classification souvent désuète, à discuter des menus détails de divers éléments et à en arriver à une conclusion semble de plus en plus mal orienté, en cette période où les organisations sont appelées à se former et à se transformer en fonction de priorités opérationnelles qui fluctuent.

Nous devons donc trouver une façon plus simple d'aborder la classification et son administration. Il faut aussi que les résultats puissent résister à un examen approfondi. Parmi les tactiques et les outils qui nous aideraient à naviguer entre la simplicité et la responsabilisation, nous pourrions

  • réduire la longueur et la complexité des descriptions de travail,
  • utiliser fréquemment des descriptions de travail génériques,
  • mettre à jour les postes-repères clés,
  • nous servir davantage de justifications qui établissent des liens entre la classification d'un poste nouveau ou révisé et celle de postes-repères et insister moins sur l'évaluation détaillée de différents éléments.

Rien ne justifie que l'on continue de rédiger des descriptions de travail de 20 pages ou plus. De tels « romans » sont habituellement remplis de verbiage visant à convaincre ceux qui déterminent la classification que le poste est vraiment important. En fait, quelques mots suffisent normalement à décrire des postes réellement importants. Les longues descriptions sont donc un indice convaincant d'une présentation exagérée. Il devrait être obligatoire de limiter la longueur des descriptions à cinq pages, par exemple.

Les distinctions entre postes semblables deviennent de moins en moins importantes du point de vue de l'évaluation de la valeur relative. Comme les fonctions changent souvent selon les priorités ministérielles, un catalogage minutieux risque de devenir rapidement désuet. Utiliser des descriptions génériques pour des postes semblables pourrait contribuer largement à simplifier non seulement la classification, mais aussi la dotation. Certaines organisations ont adopté cette approche avec beaucoup de succès. Par exemple, Statistique Canada a environ 200 descriptions de travail pour plus de 5 000 employés.

Une approche plus radicale dont on discute souvent est la nomination à un niveau déterminé. Cette expression désigne un système dans le cadre duquel les employés seraient classifiés en fonction de leurs compétences, de leurs connaissances et de leur rendement. Une telle philosophie s'applique déjà en fait à certains groupes de recherche scientifique, où l'avancement repose sur une évaluation minutieuse du mérite scientifique de l'employé. Elle joue aussi un rôle dans des programmes de perfectionnement et de formation, notamment pour les économistes et les stagiaires en gestion, où il faut répondre à des critères précis pour passer à un certain niveau. Il serait souhaitable de mettre plus activement à l'essai l'application de cette approche à d'autres groupes, en particulier ceux où les compétences, les connaissances et le rendement individuel peuvent être évalués de façon objective. Toutefois, il ne faudrait pas tenter de mettre en œuvre systématiquement un programme de nomination à un niveau déterminé, étant donné que les exemples antérieurs de recours à des solutions générales pour régler des problèmes de classification dans la fonction publique incitent à une grande prudence. Néanmoins, les descriptions de travail génériques représentent un juste milieu intéressant et raisonnable entre une classification fondée sur les exigences du poste et une classification reposant sur le mérite de l'employé.

Un investissement efficace pour rendre les normes de classification plus utilisables en attendant leur modernisation serait de mettre à jour les postes-repères clés. Il s'agirait normalement des postes les plus communs ou les plus typiques d'un groupe professionnel. Lorsque les postes-repères sont décrits avec soin et que la justification du niveau de classification est clairement formulée, la comparaison avec d'autres postes devient assez facile. C'est dans ce contexte que les justifications de la classification pourraient raisonnablement être axées sur une évaluation globale par rapport à un poste-repère, plutôt que d'être détaillées élément par élément.

En suivant ce qu'on pourrait appeler une approche pragmatique pour la gestion de la classification alors que se déroule le long travail de modernisation des normes de classification, il est essentiel de veiller à réduire au minimum le sexisme. Pour y arriver à court terme, nous devons nous assurer que la façon dont nous appliquons les normes non encore modernisées permet d'éviter autant que possible le sexisme. Nos normes actuelles ne sont pas manifestement sexistes, le sexisme prenant plutôt une forme subtile et découlant d'attentes conscientes ou profondément enracinées quant à l'importance relative du travail traditionnellement associé aux hommes et aux femmes. Au cours des prochaines années, pendant que se déroulera le processus de modernisation des normes de classification en fonction de la nouvelle structure de groupes professionnels, l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique devrait fournir une formation et des outils non techniques pour aider notamment les gestionnaires à réduire au minimum le sexisme. Plus loin dans ce chapitre, nous donnons des conseils pratiques au sujet du travail qu'il y a lieu d'entreprendre pour repérer et régler les cas où il pourrait y avoir des écarts salariaux entre des groupes composés surtout d'hommes ou de femmes, écarts qui ne peuvent être attribuées à des facteurs autres que la discrimination.

En résumé, nous formulons les recommandations suivantes au sujet de la réforme de la classification :

Recommandation 11

11.1 Parallèlement à la conception d'une nouvelle structure de groupes professionnels, le Conseil du Trésor[181] devrait déterminer, en consultation avec les syndicats de la fonction publique, l'approche et les étapes les plus appropriées pour élaborer des normes de classification modernes qui tiennent compte des réalités actuelles du travail dans la fonction publique et qui réduisent au minimum le sexisme.

11.2 Dans l'intervalle, l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique devrait s'employer à aider les ministères à simplifier la gestion de la classification en donnant des instructions pour que les descriptions de travail ne dépassent pas cinq pages, en encourageant le recours à des descriptions de travail génériques, en mettant à jour les postes-repères les plus appropriés pour les groupes les plus importants et en donnant des conseils sur la façon d'utiliser des justifications globales pour classifier des postes en les comparant à des postes-repères.

11.3 Il faudrait envisager d'utiliser davantage la nomination à un niveau déterminé pour les employés de groupes et les situations où les compétences, les connaissances et le rendement peuvent être évalués objectivement en fonction de normes biens définies.

11.4 Dans la mesure du possible, l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada devrait, en consultation avec les syndicats de la fonction publique concernés, procéder d'abord à la mise à jour des groupes professionnels prioritaires qui ne subiront probablement pas de transformation par suite de la réforme de la structure des groupes professionnels proposée dans la recommandation 10.

11.5 Une fois que le Conseil du Trésor aura déterminé la structure des groupes professionnels pour le noyau de la fonction publique, l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique devrait publier son échéancier prévu pour la modernisation des normes de classification correspondant à la structure de groupes professionnels recommandée et rendre compte chaque année au Parlement des progrès accomplis dans le Rapport sur les plans et les priorités de l'organisme.

Aspects de la politique et de la gestion générales des salaires

Plusieurs questions générales concernant la politique de rémunération ne seront réglées ni par la refonte de la structure des groupes professionnels ni par la modernisation des normes et des pratiques de classification, notamment les suivantes :

  • la rémunération au rendement,
  • la rémunération fondée sur le savoir,
  • la rémunération spéciale pour un savoir-faire exceptionnel,
  • les indemnités de recrutement et de maintien en poste (dites « provisoires »),
  • la structure des échelles de rémunération,
  • la rémunération régionale.

Nous traitons brièvement de chacune de ces questions dans les sections suivantes.

Rémunération au rendement

L'amélioration de la productivité est une préoccupation de toutes les organisations modernes, privées ou publiques. L'idée de relier une partie de la rémunération au rendement est donc à la fois logique et intéressante sous l'angle de la gestion. Dans la fonction publique fédérale du Canada, la pratique dominante a toujours été d'éviter d'établir un lien explicite entre le rendement et la rémunération. Il est toutefois évident que certains employés travaillent plus fort et mieux que d'autres et qu'on pourrait raisonnablement juger qu'ils méritent un salaire plus élevé. La question de déterminer s'il convient de relier la rémunération au rendement dans la fonction publique et comment le faire est d'autant plus pertinente que des pressions croissantes s'exercent sur la fonction publique fédérale pour qu'elle innove, fasse preuve de souplesse, absorbe des charges de travail croissantes et serve les Canadiens avec distinction.

Beaucoup d'employés et la plupart des syndicats s'opposent cependant à l'adoption de toute forme de rémunération au rendement. Ils prétendent notamment que ce genre de rémunération crée des tensions malsaines en milieu de travail parce qu'une concurrence destructive peut voir le jour et que certains employés peuvent être tentés de s'attribuer le crédit pour les résultats de tout un groupe. Ce qui est plus important encore est qu'ils ne croient pas que les gestionnaires de la fonction publique puissent faire preuve de suffisamment d'objectivité et d'équité pour évaluer le rendement et accorder une rémunération au rendement de manière impartiale.

Le gouvernement américain a décidé de profiter de la création de l'énorme département de la Sécurité intérieure pour modifier sa philosophie et ses pratiques de rémunération. Le nouveau département est chargé de mettre en œuvre un programme de rémunération au rendement qui remplacera l'actuel General Schedule par des échelles de rémunération axées sur le marché, à l'intérieur desquelles la progression de la rémunération des employés reposera uniquement du rendement ou de l'acquisition de compétences, et non de la longévité[182]. Cette initiative donne suite aux recommandations présentées en janvier 2003 par la commission nationale bipartisane sur la fonction publique, présidée par Paul Volcker, dans la foulée des événements du 11 septembre 2001. Le nouveau système doit être entièrement mis en application au département de la Sécurité intérieure d'ici 2009. Il devrait être appliqué ensuite à presque toute la fonction publique des États‑Unis.

En évaluant la version finale du DHS Human Capital Regulations, le General Accounting Office (GAO) a affirmé que même s'il soutenait fermement la réforme du capital humain au niveau fédéral, la façon de procéder, le moment choisi et ce sur quoi elle serait fondée pourraient faire toute la différence entre la réussite et l'échec[183]. Le GAO a insisté tout particulièrement sur la nécessité d'un leadership clair pour l'initiative, de communications efficaces et de modalités rigoureuses et crédibles.

On satisfera peut-être à ces critères de réussite dans l'atmosphère de crise et de réforme qui continue d'imprégner le Washington officiel dans le contexte de la guerre contre la terreur. Cependant, cela est loin d'être garanti. Dans le système actuel du General Schedule, le rythme de progression le long des dix échelons d'un niveau de rémunération donné devait reposer sur le rendement. Dans les faits, toutefois, la plupart des employés montent d'un échelon par année de service, peu importe leur rendement. L'idéal de voir les gestionnaires de la fonction publique américaine définir clairement les niveaux de rendement et d'assumer la responsabilité de porter un jugement sur le rendement d'un employé et de l'expliquer ne s'est donc pas réalisé jusqu'à maintenant.

L'expérience vécue dans la fonction publique canadienne pour ce qui est de définir et d'évaluer le rendement n'est pas encourageante. Dans le Volume Deux du présent rapport, nous présentons le cas du groupe Traduction (TR), qui reçoit une rémunération supplémentaire fondée sur une productivité exceptionnelle, cas qui serait apparemment un exemple de réussite. Toutefois, comme aux États-Unis, l'idée originale selon laquelle les augmentations annuelles dans l'échelle de rémunération d'un niveau de classification particulier devraient reposer sur un rendement satisfaisant n'a essentiellement jamais été appliquée. Même le nombre de nouveaux employés renvoyés en cours de stage est minime, totalisant moins de 100 annuellement depuis 1996-1997[184]. (Trente-six employés nommés pour une période indéterminée ont été refusés à l'étape de la probation en 2002-2003, ce qui représente 0,7 % de toutes les personnes recrutées à l'extérieur pour une période indéterminée dans un poste à temps plein au cours de l'exercice.)

Dans la catégorie de la Direction, les résultats sont encore plus mitigés. Depuis plusieurs années, les membres du groupe Direction (EX) sont admissibles à une rémunération conditionnelle pouvant atteindre 10 % (15 % aux deux derniers paliers) de leur salaire selon leur rendement. Comme nous l'avons indiqué dans le Volume Deux, au niveau EX 1, le versement d'une tranche conditionnelle pouvant aller jusqu'à 7 % de la rémunération possible amène à peine un cadre de direction au niveau de rémunération totale équivalent à celui accordé dans le secteur privé pour le même degré de responsabilité. Toutefois, dans la pratique, les sous‑ministres trouvent difficile d'établir une différence entre les niveaux de rendement, notamment pour les niveaux inférieurs à entièrement satisfaisant. De telles évaluations sont perçues comme étant personnellement humiliantes plutôt que comme un message légitime sur le rendement au cours d'une année donnée. Depuis deux ou trois ans, étant donné la pression exercée par le Comité Stephenson[185] et l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique, les gestionnaires ont appliqué les critères avec un peu plus de rigueur au moment de produire des évaluations.

Une autre complication concernant la rémunération conditionnelle des cadres de direction est que les montants versés sont peu élevés par rapport au salaire de base. Ces cadres peuvent obtenir au plus 10 % (ou 15 % pour les sous‑ministres adjoints). En revanche, la rémunération au rendement accordée dans le secteur privé peut représenter plusieurs mois de salaire, voire davantage. S'ajoute à cela le fait que les cadres de direction du secteur privé ont souvent accès à des incitatifs à long terme, normalement sous forme d'un droit d'acquérir à un prix fixe des actions de l'entreprise à certains moments. Cet aspect de la rémunération est explicitement exclu lorsqu'on compare la rémunération des cadres de direction de la fonction publique fédérale à celle offerte dans le secteur privé. Cela est normal étant donné que rien n'équivaut manifestement aux prix des actions dans le secteur public. Le programme de rémunération conditionnelle de la fonction publique fédérale pourrait donc être plus symbolique que substantiel pour les gestionnaires aux échelons supérieurs de la fonction publique. Cette rémunération est certes appréciée par les cadres de direction car elle s'ajoute à des salaires généralement inférieurs à ceux de leurs homologues du secteur privé, mais les montants disponibles ne sont pas assez élevés et le programme actuel n'est pas administré avec suffisamment de rigueur pour être considéré comme un élément de motivation important.

Globalement, il n'y a pas de culture bien enracinée de définition des attentes en matière de rendement et d'évaluation en conséquence des employés dans le secteur public fédéral. Renforcer cette culture serait un point de départ. On pourrait penser que l'instauration d'un régime de rémunération au rendement favoriserait l'adoption de pratiques plus rigoureuses concernant l'établissement des objectifs et des normes de rendement et l'évaluation en fonction de ces critères. L'expérience nous a cependant démontré que nous ne pouvons pas compter sur cela.

Il serait également instructif de mettre à l'essai des régimes de rémunération au rendement, en particulier au sein de groupes ou d'organisations où une culture raisonnable de gestion du rendement existerait déjà et où cette perspective serait bien accueillie par les employés et, le cas échéant, le syndicat. Les groupes auxquels cela conviendrait le mieux seraient probablement les groupes spécialisés ou professionnels dont les normes professionnelles sont bien définies par des organes externes et bien comprises par les gens du domaine.

Si nous nous tournons vers l'avenir, deux principes ressortent d'un raisonnement éclairé relativement à la gestion :

  1. Nous devrions nous concentrer d'abord sur notre gestion du rendement, afin d'avoir la capacité de lier les salaires au rendement de manière crédible.
  2. Nous devrions faire l'essai, de manière sélective, d'une plus grande utilisation de la rémunération au rendement dans le secteur public fédéral.

Rémunération fondée sur le savoir

Dans ce domaine également, il pourrait être logique que la rémunération du secteur public fédéral reconnaisse le savoir. Après tout, nous insistons continuellement sur l'importance du travail lié au savoir, qui joue un rôle de plus en plus grand dans la fonction publique. Cette idée est sous-entendue dans les normes de sélection employées pour la dotation de divers postes spécialisés pouvant exiger des compétences professionnelles ou des études particulières ou une expérience équivalente. Pourtant, on a peu recours dans le secteur public fédéral à une rémunération supplémentaire explicite pour encourager ou récompenser l'acquisition ou la possession d'un savoir particulier.

La prime au bilinguisme est une exception malheureuse. Il s'agit de l'indemnité annuelle de 800 $ versée aux employés qui ne sont pas des cadres et qui satisfont aux normes de bilinguisme associées à leur poste. La prime est de 800 $ depuis 1979. Cette prime se voulait à l'origine une réponse pragmatique aux protestations d'employés francophones qui estimaient mériter une récompense pour assumer une grande partie de la responsabilité de servir le public en français ou en anglais. Même si sa valeur réelle a diminué au fil des ans du fait de l'inflation, son lien avec le renforcement de la capacité bilingue est mince. Les employés peuvent être admissibles à la prime, mais ne pas nécessairement utiliser leur deuxième langue officielle en réalité. Cette prime est devenue en fait intouchable, même si sa justification est précaire.

La langue est un domaine où il pourrait être particulièrement logique d'accorder une rémunération fondée sur le savoir. Certains employés entrent dans la fonction publique alors qu'ils sont déjà bilingues ou apprennent l'autre langue officielle essentiellement par leurs propres moyens, ayant très peu ou aucunement recours à la formation officielle payée par l'État. Ces employés permettent au Trésor public d'économiser des milliers de dollars. Accorder une prime ponctuelle ou continue à ces employés pourrait encourager les gens à prendre personnellement l'initiative d'apprendre une des langues officielles. De façon plus générale, la connaissance d'une troisième langue pourrait être extrêmement utile pour servir notre population de plus en plus multiculturelle, tant au Canada que dans nos missions à l'étranger. Lorsqu'un tel savoir représente vraiment un atout pour un poste donné, il serait logique d'accorder une indemnité en vue d'attirer des personnes ayant les capacités appropriées et de les maintenir en poste.

Une autre application possiblement fructueuse de la rémunération fondée sur le savoir concerne la mise en œuvre d'un système d'accréditation des compétences en gestion à divers niveaux. Les cours d'importance capitale pourraient être reconnus grâce à une progression accélérée le long d'une échelle salariale ou du versement d'une indemnité ponctuelle ou continue[186]. Une approche semblable pourrait être adoptée pour encourager des groupes spécialisés à se tenir au courant des éléments nouveaux dans leur domaine ou à acquérir des compétences supérieures importantes dans leur milieu de travail.

Des difficultés sont évidemment associées à l'application de la rémunération fondée sur le savoir. Par exemple, la direction doit s'assurer que les compétences supplémentaires sont en fait pertinentes. Il doit y avoir des moyens fiables de vérifier si les connaissances ont été acquises. Il faudrait en outre éviter l'approche figée qui caractérise l'actuelle prime au bilinguisme en adaptant tout système aux changements qui surviennent relativement au savoir essentiel et que l'on pourrait encourager utilement par l'intermédiaire du régime salarial.

Rémunération spéciale pour un savoir-faire exceptionnel

Ce sujet est un prolongement du thème de la rémunération fondée sur le savoir. La fonction publique a de plus en plus besoin d'un degré élevé de savoir-faire dans des disciplines ou des domaines particuliers. Cette tendance se manifeste tant au sein de la direction que dans les rangs des analystes et professionnels de haut niveau dont le rôle de gestion est minime voire inexistant.

Au niveau de la direction, nous avons besoin depuis quelques années des meilleurs talents, entre autres, dans les domaines de la gestion de l'information, des technologies et des finances, ainsi que dans d'autres spécialités. En raison de notre politique consistant à égaler la rémunération totale offerte aux cadres de direction dans le secteur privé seulement au niveau EX 1, l'écart de rémunération s'élargit de plus en plus aux échelons supérieurs de la direction. Nous parlons ici de rémunération totale et non simplement des salaires. Récemment, il s'est révélé impossible dans certains cas d'attirer des gens ayant l'expérience nécessaire avec la rémunération offerte.

Une approche consiste à recruter temporairement les meilleurs talents par l'intermédiaire d'Échanges Canada. Essentiellement, cela suppose une affectation qui ne dépasse normalement pas trois ans et dans le cadre de laquelle un employé d'une autre organisation vient travailler au gouvernement fédéral mais tout en étant rémunéré selon les règles de son organisation d'attache, que le gouvernement fédéral rembourse. Le participant doit retourner à son organisation à la fin de l'affectation. De cette façon, des cadres de direction exceptionnels servant au gouvernement peuvent toucher un salaire beaucoup plus élevé que celui des fonctionnaires ordinaires occupant des postes de niveau équivalent[187]. En 2005, le gouvernement fédéral a lancé le Programme de collaborateurs émérites du Premier ministre afin d'attirer de nouveau l'attention sur les échanges. Ce programme se situe dans le prolongement d'une précédente initiative non officielle, appelée programme de préparation, qui a aidé plusieurs hauts fonctionnaires et cadres du secteur privé à obtenir des affectations temporaires dans l'un et l'autre milieu.

Les programmes d'échanges sont assurément utiles pour recruter temporairement des talents exceptionnels ou très spécialisés, mais nous pouvons nous attendre à ce que, dans certains cas, le gouvernement fédéral veuille recruter de telles personnes de façon plus permanente. Par exemple, il pourrait avoir besoin de quelqu'un pendant beaucoup plus longtemps que la période limite d'affectation normale de trois ans. Dans d'autres cas, les programmes d'échanges pourraient ne pas convenir si la personne que l'on désire recruter travaille à son compte et n'a pas vraiment d'employeur chez qui retourner. Il se pourrait aussi que le détachement d'un spécialiste d'une organisation externe crée un conflit d'intérêts réel ou apparent.

Il serait donc logique d'avoir recours, mais de manière judicieuse et avec parcimonie, au pouvoir qu'a actuellement le Conseil du Trésor d'autoriser l'attribution à un cadre de direction d'une rémunération supérieure à la rémunération maximale prévue pour le poste auquel il est nommé[188]. Il faudrait que cette pratique soit rigoureusement contrôlée en raison des pressions qui s'exerceraient inévitablement pour que l'on ait recours de plus en plus souvent à de telles exceptions. L'idéal serait que le Conseil du Trésor approuve officiellement les cas particuliers sur recommandation conjointe du sous-ministre du ministère parrain et du président de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique pour les postes de cadres de direction, ou sur recommandation du greffier pour les postes de sous-ministres ou les autres personnes nommées par le gouverneur en conseil. La politique permettrait en fait à la fonction publique d'éliminer ou, du moins, de réduire l'écart entre la rémunération de la fonction publique et celle que touche déjà un candidat de choix.

L'expérience a démontré qu'un tel assouplissement pourrait mener à des abus. On peut facilement imaginer diverses façons de ne pas respecter l'intention du changement proposé à la politique. C'est pourquoi toute exception doit absolument être bien documentée, être recommandée personnellement par les fonctionnaires du plus haut niveau et être approuvée explicitement par les ministres du Conseil du Trésor. Une telle pratique ferait bien sûr l'objet d'une vérification par le vérificateur général.

Une question analogue a trait à la juxtaposition de la rémunération des spécialistes de haut niveau et des cadres de direction de la fonction publique. Le salaire de certains groupes non formés de cadres comme le groupe Économique, sociologie et statistique (ES) chevauche largement, au niveau supérieur (ES 7), celui du groupe Direction (EX). La figure 1053 illustre la correspondance entre les salaires aux niveaux supérieurs de plusieurs groupes professionnels et ceux des EX 1 et EX 2 en mars 2003.

D'un point de vue hiérarchique traditionnel, rémunérer des personnes qui ne sont pas des cadres de direction autant ou plus que ces derniers est offensant. Toutefois, dans un monde où les connaissances et le savoir-faire sont de plus en plus importants, il pourrait être logique de payer des spécialistes autant ou plus que des cadres de direction. Ces dernières années, le nombre de postes de niveau EX s'est accru plus rapidement que la taille de l'ensemble de la fonction publique. Pour en déterminer les raisons, il faudrait réaliser une autre étude. En revanche, un des facteurs contribuant à cela est probablement la nécessité de payer plus pour des travailleurs du savoir très compétents, même si le contenu réel du poste qui représente des fonctions de direction est modeste. Faire en sorte qu'il soit plus facile de récompenser les spécialistes sans en faire des cadres de direction pourrait s'avérer avantageux. En fait, imposer aux meilleurs spécialistes des tâches de gestion réduit à la fois l'efficacité de la gestion et l'apport d'un savoir‑faire important.

Nous ne pouvons même pas trouver au moins une raison qui justifierait de manière explicite les chevauchements actuels, c'est-à-dire qui expliquerait pour quels groupes il y a chevauchement ou quelle est l'ampleur du chevauchement. Le temps est venu d'examiner systématiquement la question du chevauchement, ce qui devrait se faire probablement en même temps que la refonte proposée plus loin dans la présente section concernant l'étendue de la comparabilité externe de la rémunération des cadres de direction. Il faudrait aussi envisager la possibilité d'autoriser des cas individuels de rémunération spéciale pour un savoir-faire exceptionnel aux niveaux inférieurs à celui de la direction lorsque les programmes d'échanges peuvent ne pas convenir. Les mêmes contrôles rigoureux que ceux proposés ci‑dessus pour les cadres de direction s'appliqueraient dans ces cas.

Figure 1053
Illustration du chevauchement des échelles salariales entre le groupe EX et les groupes professionnels, mars 2003

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Illustration du chevauchement des échelles salariales entre le groupe EX et les groupes professionnels, mars 2003

Indemnités de recrutement et de maintien en poste

Comme nous l'avons décrit principalement dans le chapitre 4 du présent volume, des indemnités de recrutement et de maintien en poste – provisoires – ont été accordées ces dernières années à plusieurs groupes de négociation. Ces indemnités ont constitué une rémunération supplémentaire, temporaire en théorie, à des groupes pour lesquels il y avait une concurrence inhabituellement vive sur le marché du travail externe. Le recours à des indemnités temporaires a permis de régler au moins deux questions du point de vue de l'employeur. Premièrement, les marchés du travail en effervescence apparaissent et disparaissent selon la croissance et la décroissance de l'économie et, deuxièmement, de telles indemnités sont reconnues comme une exception au principe du salaire égal pour un travail de valeur égale.

Cependant, comme pour de nombreuses politiques temporaires, des pressions considérables se sont exercées pour qu'on rende permanentes les indemnités de recrutement et de maintien en poste en les intégrant aux niveaux de rémunération de base. Dans les cas où le niveau de rémunération d'un groupe particulier progresse de façon soutenue par rapport à d'autres groupes sur le marché du travail en général, il serait logique d'intégrer les indemnités provisoires à la paye régulière. Toutefois, dans un cas comme celui du groupe Systèmes d'ordinateurs (CS), où la surchauffe de la fin des années 1990 a été suivie de mises à pied et de réductions salariales dans le secteur privé au début du présent siècle, le gouvernement fédéral devrait en principe réduire ou supprimer l'indemnité provisoire. Le gouvernement devrait à tout le moins limiter les augmentations économiques pour le groupe jusqu'à ce qu'il y ait parité raisonnable.

Dans la pratique, cependant, le système de négociation collective du gouvernement fédéral rend presque impossibles de telles réductions ou limites. Les employés de ce groupe de négociation, dont l'emploi est sûr en grande partie et qui sont chargés de fonctions aussi essentielles que le traitement des chèques fédéraux de prestations sociales, n'ont aucun intérêt à accepter des rajustements salariaux inférieurs au taux courant des conventions collectives. À moins que le gouvernement ne soit prêt à recourir à une loi pour imposer une convention collective prévoyant une indemnité inférieure ou à accepter qu'il y ait une grève dans un domaine névralgique pour la population en attendant que le syndicat soit disposé à conclure une entente sur cette base, l'indemnité provisoire demeurera probablement en place pour une période indéfinie.

Par conséquent, il faut faire très attention avant d'accepter d'accorder une indemnité provisoire. Vu la culture et les pratiques qui ont cours actuellement dans la fonction publique fédérale en matière de négociation collective, il est presque impossible de mettre fin à de telles indemnités une fois qu'on les a accordées. Une meilleure approche consisterait à suivre de plus près le secteur privé en se fondant sur une évaluation rigoureuse de la rémunération sur le marché du travail canadien en général. Lorsqu'il y a des hausses rapides dans des marchés en effervescence, il conviendrait peut-être plutôt d'avoir recours à des primes ponctuelles pour recruter ou maintenir en poste des employés essentiels jusqu'à ce que l'on puisse déterminer clairement si les hausses relatives de salaires sont elles-mêmes temporaires ou structurelles.

Structure des échelles salariales

La structure des échelles salariales est un aspect relativement obscur, mais toujours important de la gestion de la rémunération. Idéalement, la structure salariale d'un groupe professionnel prévoira une progression qui incite à passer au niveau suivant, sans que la différence entre les niveaux ne soit trop grande. La figure 1054 illustre ce à quoi nous pourrions nous attendre. Dans cette illustration, il y a une différence raisonnable entre le taux de rémunération maximal des niveaux de classification successifs, normalement au moins 10 %. Deuxièmement, nous constatons que l'étendue des fourchettes salariales est suffisamment importante pour reconnaître la croissance et le développement. Il convient de noter que les niveaux inférieurs ont des fourchettes relativement plus étroites, tandis que les niveaux supérieurs prévoient plus de place pour progresser à l'intérieur d'un niveau de classification donné. Troisièmement, il faut noter aussi que les fourchettes salariales se chevauchent légèrement, ce qui permet de passer facilement d'un niveau à un autre à la faveur d'une promotion, sans qu'il en coûte trop cher.

Figure 1054
Illustration d'une structure salariale rationnelle

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Illustration d'une structure salariale rationnelle

Les échelles salariales de plusieurs groupes professionnels de la fonction publique fédérale sont assez différentes de ce qui pourrait être considéré comme normal. Par exemple, au sein du groupe Programmes et administration (PM), il y a d'importants écarts entre les fourchettes salariales des PM 4 et PM 5, et des PM 5 et PM 6. Un type opposé d'anomalie existe au sein du sous‑groupe Infirmière (santé communautaire). Le salaire maximal du niveau NUCHN 02 n'est que légèrement inférieur au salaire minimal du niveau NUCHN 06, ce qui laisse penser qu'il y a trop de niveaux. Le groupe Bibliothéconomie illustre les deux types de problèmes : un chevauchement considérable entre les niveaux LS 3 et LS 4, et des écarts entre les niveaux LS 2 et LS 3, et LS 4 et LS 5. Ces structures d'échelles salariales inhabituelles sont illustrées dans les figures1055a, 1055b et 1055c.

Il ne semble pas y avoir de politique ou de raison justifiant de telles structures d'échelles salariales sur le plan de la gestion. Elles sont le résultat des nombreuses rondes de négociations collectives au fil des ans. Dans la pratique, la plupart des conventions collectives ne font que hausser les structures existantes d'un certain pourcentage. Il se pourrait que, dans certains cas, les structures actuelles remontent à l'adoption de la négociation collective en 1967, lorsque les groupes professionnels encore utilisés aujourd'hui ont été créés. Lors de leur création, les groupes ministériels qui existaient déjà ont été fusionnés. Ces structures initiales peuvent avoir été rajustées de manière à minimiser le blocage de postes, c'est-à-dire les cas où le salaire d'une personne plafonne jusqu'à ce que de nouvelles augmentations économiques négociées amènent le salaire du groupe au niveau salarial atteint par la personne[189].

Figure 1055a
Illustration des structures salariales de certains groupes professionnels de la fonction publique fédérale

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Illustration des structures salariales de certains groupes professionnels de la fonction publique fédérale

Figure 1055b
Illustration des structures salariales de certains groupes professionnels de la fonction publique fédérale

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Illustration des structures salariales de certains groupes professionnels de la fonction publique fédérale

On pourrait affirmer que les structures salariales ne sont pas importantes. Mais, elles le sont. Les écarts entre les niveaux ont une influence sur la façon de fonctionner tant des employés que des gestionnaires. Dans le cas des employés, des écarts insuffisants entre le maximum salarial de deux niveaux peuvent faire en sorte qu'ils hésitent à accepter davantage de responsabilités. En revanche, si les écarts sont excessifs, les gestionnaires pourraient être peu enclins à faire passer les employés au prochain niveau et pourraient préférer recruter des personnes dont le salaire se rapproche davantage du nouveau niveau. Ce genre de réaction de la part des gestionnaires peut inciter des employés à changer de groupe professionnel afin d'obtenir de l'avancement. Un tel changement n'est pas mauvais en soi et pourrait même être souhaitable. Il devrait cependant découler d'une approche raisonnée de l'avancement professionnel, plutôt que d'un désir de contourner une situation qui ne peut s'expliquer que par l'accumulation d'anciennes décisions.

Une autre préoccupation concernant les structures d'échelles salariales irrationnelles est leur lien avec la définition de promotion. Actuellement, un changement de groupe n'est pas une promotion à moins que le salaire maximal du nouveau groupe et niveau ne soit au moins 4 % plus élevé que celui associé au poste actuel de l'employé. Les échelles salariales mal structurées rendent l'application de cette politique plus arbitraire que souhaitable.

Restructurer les échelles salariales de la fonction publique fédérale pour qu'elles ressemblent davantage à la norme illustrée dans la figure 1054 sera difficile. Les syndicats n'accepteront de tels changements que s'ils se traduisent tous par des augmentations. Une telle approche se révélerait probablement coûteuse. Ces réalités expliquent sans doute pourquoi peu de mesures ont été prises pour supprimer les anomalies existantes. À moyen terme, il est probablement sage d'hésiter à aborder cette question. Toutefois, ne pas avoir adopté de structure d'échelles salariales logique après plusieurs décennies serait inquiétant. Cela supposerait que le système de rémunération est à ce point rigide qu'il est impossible d'apporter des changements souhaitables. Il conviendrait de s'attaquer à ce problème dans le cadre de la modernisation des normes de classification que nous avons proposée dans une section précédente du présent chapitre.

Figure 1055c
Illustration des structures salariales de certains groupes professionnels de la fonction publique fédérale

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Illustration des structures salariales de certains groupes professionnels de la fonction publique fédérale

Paye régionale

Depuis longtemps, les divergences d'opinions sur l'opportunité de prendre en considération les différences régionales dans les salaires externes lors de l'établissement des niveaux de rémunération dans la fonction publique fédérale soulèvent la controverse. Certains font valoir que le gouvernement fédéral doit varier ses taux de rémunération selon les régions pour que le principe de la comparabilité avec le marché de travail dans le secteur privé soit respecté, sans quoi, selon eux, le marché du travail local s'en trouve faussé car les employeurs du secteur privé ou les autres employeurs non fédéraux se voient forcés d'offrir des salaires plus élevés que nécessaire ou d'accepter une main‑d'œuvre moins qualifiée. Selon la théorie économique, offrir des salaires plus élevés que nécessaire entraîne une baisse dans la création et le maintien des emplois.

Les arguments contraires sont tout aussi vigoureux. Premièrement, les opposants à la paye régionale soutiennent que les emplois similaires chez un employeur national devraient être rémunérés au même salaire, peu importe où ils se trouvent. Selon eux, rémunérer des emplois à un niveau inférieur en raison de la région où ils se trouvent est abaissant et injuste pour les employés concernés. Cette situation est également indésirable pour les syndicats, car elle entraîne une dissension entre leurs membres. Deuxièmement, à titre d'employeur national, le gouvernement fédéral déplace ses employés assez fréquemment d'une région à l'autre, pour une période temporaire ou de façon permanente. Des politiques de paye régionale pourraient décourager des employés d'accepter des déplacements souhaitables sur le plan opérationnel.

En principe, la politique la plus sûre en matière de rémunération semble être celle sur laquelle le gouvernement fédéral s'est appuyé pendant des décennies, avant l'arrivée de la négociation collective en 1967. Il y avait à l'époque deux grandes catégories d'employés : ceux recrutés à l'échelle nationale et ceux recrutés à l'échelle locale. Le premier groupe touchait les mêmes salaires à l'échelle du pays, alors que le second touchait les salaires courants dans la région. Si l'on désirait embaucher les meilleurs vérificateurs au pays, on devait leur offrir le taux de salaire national. Cependant, pour embaucher un adjoint administratif, comme on se tournait normalement vers un bassin de candidats locaux, un taux salarial local était suffisant pour attirer des candidats qualifiés.

Le vrai problème d'un système de paye régionale n'est pas théorique, mais bien pratique, puisqu'il est difficile de l'appliquer de façon juste et crédible. Alors que les distinctions adoptées avant 1967 étaient convaincantes, leur mise en application l'était beaucoup moins. En fait, les employés embauchés sous la rubrique nationale s'acquittaient parfois de tâches similaires à celles effectuées par des employés embauchés au salaire courant. Parallèlement, le second groupe comprenait des hommes de métier et des travailleurs de la construction navale, mais aucun employé administratif dont l'embauche devrait également se faire à l'échelle locale.

La définition de zones géographiques significatives pour chacune des douzaines de professions, la collecte en temps opportun de données fiables sur le marché du travail local et le rajustement concomitant des taux salariaux serait une entreprise complexe et difficile. Une telle approche engendrait probablement des plaintes et des appels constants, notamment si les rajustements prenaient un retard quelconque par rapport à l'évolution du marché du travail. Historiquement, ce genre de gestion nuancée de distinctions imprécises n'a jamais été le point fort de la fonction publique fédérale.

La situation actuelle en matière de paye régionale dans la fonction publique ne peut plus durer. Quelques distinctions régionales ont survécu à l'opposition acharnée des syndicats de la fonction publique, mais la plupart ont peu de sens. Comme nous le mentionnons au chapitre 4, les rondes de négociations collectives successives ont fait passer à 3 en 2001 le nombre de zones pour les groupes de métiers, comparativement à 16 en 1989. Les trois zones sont tellement vastes et diversifiées qu'elles n'ont aucune utilité pour suivre de près les écarts salariaux du marché du travail local. À la suite de la ronde de négociation de 2004, les trois zones ont été maintenues. Cependant, cette entente est intervenue dans le contexte d'augmentations salariales relativement plus élevées pour les employés des groupes de métiers, car il était généralement évident qu'ils accusaient un retard par rapport à leurs homologues du secteur privé. On peut s'attendre à ce que le syndicat s'attaque aux zones restantes lors de la prochaine ronde de négociation.

Nous concluons donc que l'employeur fédéral devrait chercher à restaurer une politique de paye régionale rationnelle pour les groupes qui satisfont aux critères suivants :

  • Pratiquement toute l'embauche se fait à l'échelle locale; il n'est pas nécessaire de recruter à l'échelle nationale pour attirer un nombre suffisant de candidats qualifiés.
  • Il y a des différences significatives à l'échelle du pays en ce qui concerne les salaires versés pour des postes similaires.
  • Les données sur ces différences peuvent être recueillies de manière crédible et à un coût raisonnable.
  • La mobilité des employés fédéraux du groupe d'une région à une autre est négligeable.

Dans la conception d'une structure moderne de groupes négociateurs et professionnels pour le noyau de la fonction publique, on devrait également se demander s'il serait logique d'appliquer un système de paye régionale pour certains groupes particuliers, selon les critères susmentionnés[190].

Indemnités de vie chère

On confond parfois la question de la paye régionale et le phénomène connexe des différences dans le coût de la vie au pays. Par exemple, il est évident que le prix des maisons, du transport et du stationnement est plus élevé à Toronto, Vancouver, Calgary et Ottawa qu'en région. En fait, un taux salarial national fait en sorte que les employés fédéraux qui travaillent et habitent en région peuvent profiter d'un niveau de vie plus élevé que leurs collègues des grandes villes.

Il serait possible d'établir un taux salarial national et de l'ajuster ensuite grâce à une indemnité variant selon le coût de la vie dans chaque région par rapport à la moyenne nationale. Les Forces armées canadiennes disposent d'une indemnité de vie chère, instaurée en 2000‑2001. En février 2003, cette indemnité variait de 0 $ à Kingston à 1 138 $ par mois dans certains secteurs de Toronto. Le United States Civil Service prévoit également un élément de paye régionale (« locality pay ») dans les échelles salariales du General Schedule. Des montants additionnels sont prévus là où le salaire des employés non fédéraux est supérieur de plus de 5 % à celui des fonctionnaires. Des taux différents s'appliquent à 32 régions géographiques, dont une appelée « Rest of the U.S. » (reste des É.‑U). En 2003, ce rajustement salarial régional atteignait 21,08 % du salaire de base des employés fédéraux vivant à San Francisco, la région où le coût de la vie était le plus élevé aux États-Unis. Le rajustement moyen au titre de la paye régionale était d'environ 15 % du salaire de base[191].

La faisabilité de passer à un tel régime dans le secteur public fédéral dépendrait généralement de la façon dont serait établi le taux national. La région d'Ottawa‑Gatineau semble être présentement le marché du travail de référence pour la plupart des groupes. Cette situation est logique puisque la plupart des fonctionnaires travaillent dans la région de la capitale nationale (RCN). D'un autre côté, la fonction publique est si présente dans la RCN que le secteur privé n'a peut-être pas suffisamment d'influence sur le marché du travail de la RCN. L'industrie la plus dominante du secteur privé, celle de la haute technologie, offre des salaires relativement élevés, ce qui n'est pas représentatif du secteur privé canadien dans son ensemble.

Nous concluons donc que la question de l'écart lié au coût de la vie est importante mais non urgente pour le moment. En l'absence de pressions inflationnistes significatives, les employés ne sont pas constamment sensibilisés à ces écarts. Lorsque certains des dossiers plus urgents liés à la gestion de la paye et de la rémunération mentionnés dans ce chapitre auront été réglés, il sera logique d'étudier l'opportunité et la faisabilité d'instaurer un système salarial national avec des indemnités régionales fondées sur les écarts significatifs du coût de la vie.

Voici donc, en résumé, nos recommandations dans le secteur de la politique et de la gestion générale de la rémunération :

Recommandation 12

12.1 En ce qui a trait à la rémunération au rendement, nous devrions d'abord concentrer nos efforts sur le renforcement de notre culture et de notre capacité en matière de gestion du rendement, y compris l'acquisition de compétences reconnues dans la définition de normes et d'objectifs organisationnels, l'établissement d'objectifs individuels, l'évaluation du rendement, la rétroaction et la mise en œuvre des mesures nécessaires.

12.2 Les sous‑ministres devraient proposer au Conseil du Trésor de procéder à des expériences sélectives pour utiliser davantage la rémunération au rendement dans les secteurs où la culture et la capacité organisationnelles sont acceptables et crédibles aux yeux des gestionnaires et des employés.

12.3 Le Conseil du Trésor devrait travailler avec les ministères et les syndicats consentants pour mener un ou plusieurs projets pilotes bien définis afin d'évaluer l'utilité d'un système de primes à l'acquisition de connaissances dans des domaines comme les compétences linguistiques et les titres professionnels pour les groupes spécialisés.

12.4 L'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique devrait présenter à l'approbation du Conseil du Trésor des règles de base permettant à ce dernier d'autoriser un salaire maximal supérieur pour des cadres de direction ou des employés qui apportent une expertise exceptionnelle à la fonction publique lorsque les programmes d'échanges ne permettent pas d'avoir accès à l'expertise recherchée.

12.5 Dans le cadre de l'examen des salaires des cadres de direction proposé plus loin dans cette section, le chevauchement de la rémunération des spécialistes de haut niveau et de celle des cadres de direction devrait être examiné et rationalisé de sorte que l'expertise technique de pointe puisse être rémunérée de façon adéquate sans avoir recours aux classifications des cadres de direction pour des postes dont la tâche principale est la prestation de conseils et qui ne comportent que peu de tâches de gestion supérieure.

12.6 En général, les indemnités de recrutement et de maintien en poste (provisoires) devraient être évitées. S'il y a des preuves manifestes d'une hausse soutenue du niveau de salaire relatif sur le marché du travail externe pour un groupe donné, celle-ci devrait être ajoutée aux échelles salariales de la fonction publique. S'il y a des hausses salariales rapides sur un marché du travail externe surchauffé et que l'on ne sait pas s'il s'agit d'un changement structurel ou temporaire, on devrait offrir des primes ponctuelles pour recruter des candidats ou maintenir en poste le personnel actuel de façon aussi ciblée que possible.

12.7 Dans le cadre du processus de modernisation des normes de classification recommandé plus tôt dans cette section, le Secrétariat du Conseil du Trésor et l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique devraient travailler de concert avec les syndicats concernés pour faire en sorte que la structure des échelles salariales de ces groupes cadre avec les normes reconnues en matière d'administration des salaires.

12.8 Dans le cadre des recommandations sur la meilleure façon de moderniser la structure des groupes professionnels et des unités de négociation dans la fonction publique, il faudrait étudier la pertinence d'appliquer un système de paye régionale à certains segments de la nouvelle structure proposée. Les critères d'identification de tels groupes engloberaient l'accent mis sur l'embauche locale, des écarts salariaux importants à l'échelle du pays, l'accès à des données crédibles sur ces écarts, et une mobilité géographique négligeable des membres de ces groupes.

12.9 Une fois que les questions plus urgentes de gestion de la paye et de la rémunération abordées dans ce chapitre auront été réglées, le Conseil du Trésor devrait étudier l'opportunité et la faisabilité d'instaurer un système national de taux de salaires assorti d'indemnités pour les écarts importants du coût de la vie entre les régions.

Établissement de la rémunération pour des groupes particuliers

Le gouvernement fixe les niveaux de salaire et les autres formes de rémunération pour plusieurs groupes du secteur public fédéral par diverses méthodes autres que la négociation collective. Voici quelques‑uns des plus importants[192] :

  • Personnel de direction et sous‑ministres.
  • Dirigeants de sociétés d'État et autres personnes nommées par décret.
  • Forces armées canadiennes.
  • Membres réguliers et civils de la Gendarmerie royale du Canada.
  • Juges nommés par le gouvernement fédéral.
  • Parlementaires.

Personnel de direction et sous‑ministres

Au chapitre 3 du Volume Deux, nous décrivons les pratiques actuelles et faisons un bref historique des dernières années en ce qui a trait à la façon dont les salaires des cadres de direction et des sous‑ministres sont fixés. Essentiellement, le Conseil du Trésor établit ces salaires en tenant compte des conseils d'un organe indépendant, le Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction. Celui-ci s'appuie sur une comparaison annuelle, faite par Hay Associates, de la rémunération totale versée par un échantillon d'organisations canadiennes des secteurs privé et public pour des postes équivalents à ceux du niveau EX 1 dans la fonction publique fédérale. Le niveau de salaire est fixé de façon à équivaloir à la rémunération totale en tenant compte de la valeur relative des avantages sociaux dans la fonction publique et à l'extérieur[193]. Les salaires des niveaux de classification plus élevés des cadres supérieurs et sous‑ministres sont établis en tant que multiples fixes des taux de l'échelle salariale des EX 1.

Les gouvernements successifs ont choisi d'égaler la rémunération du marché du travail du secteur privé pour les cadres de niveau EX 1, mais non pour les niveaux supérieurs. En fait, et au mieux, l'équivalence est inexacte, puisqu'il y a un décalage structurel et politique au niveau EX 1. Le décalage structurel est dû au fait que les niveaux de salaire établis au mois d'avril d'une année s'appuient sur les données recueillies au mois de septembre précédent sur le marché du travail du secteur privé. Des considérations de politique ont aussi incité le Conseil du Trésor à approuver des augmentations salariales en deçà des niveaux recommandés à deux reprises ces dernières années[194].

Les rapports annuels de Hay Associates[195] montrent qu'il existe un écart de plus en plus important entre les salaires et les autres formes de rémunération des cadres de direction fédéraux par rapport aux titulaires de postes comparables dans le secteur privé canadien pour les postes supérieurs à EX 1. Par exemple, le rapport de mars 2004 (qui présente les données de septembre 2003) révèle les écarts réels suivants au niveau des salaires et de la rémunération totale[196] :

Niveau de classification

Écart au niveau du salaire de base

Écart au niveau de la rémunération totale

EX 1  (893 points)

-4 %

-3 %

EX 2  (1 134 points)

-12 %

-15 %

EX 3  (1 447 points)

-22 %

-35 %

EX 4  (1 847 points)

-34 %

 -48 %

EX 5  (2 207 points)

-47 %

-71 %

DM 2 (3 455 points)

-80 %

-101 %

Si le principe de la comparabilité avec le marché du travail du secteur privé doit jouer un rôle essentiel dans la politique de rémunération de la fonction publique fédérale, il serait logique de réduire l'écart existant au niveau des cadres de direction et des sous‑ministres. Selon les données présentées ci-dessus, il conviendrait de mettre plus particulièrement l'accent sur les postes de sous‑ministres adjoints (EX 4 et 5) et de sous‑ministres (par exemple, de niveau DM 2) afin de rapprocher les salaires de ces postes de ceux de leurs homologues du secteur privé.

En étudiant ce dossier, il faudrait s'assurer que la méthode utilisée pour comparer le degré de responsabilité est fiable. Ainsi, on affirme souvent que les cadres supérieurs du secteur privé sont tenus beaucoup plus directement responsables que leurs collègues du secteur public de l'obtention de résultats précis, comme les bénéfices ou l'augmentation de la valeur des actions de l'entreprise, qu'ils doivent générer les fonds nécessaires aux opérations et qu'ils ont peu de sécurité d'emploi (bien que les indemnités de départ peuvent être généreuses). Par contre, les dirigeants bien informés du secteur privé reconnaissent généralement que la complexité, l'instabilité et la transparence de la gestion dans le secteur public n'ont habituellement pas d'égal dans le secteur privé. Il faudrait procéder à une étude minutieuse pour trouver la meilleure façon de s'assurer que la rémunération des cadres de direction du secteur public fédéral se compare étroitement à celle de leurs homologues du secteur privé[197].

Une meilleure comparabilité pour les cadres de niveau supérieur à EX 1 veut aussi dire une plus grande rigueur dans la classification des postes de cadres de direction dans la fonction publique. Dans le secteur privé, l'essence même d'un cadre supérieur est d'être responsable de l'obtention de résultats substantiels. Nous avons déjà souligné la tendance récente, dans la fonction publique, à classer des postes consultatifs ou techniques de haut niveau dans le groupe des EX afin d'attirer des candidats qualifiés. Tel que proposé à la recommandation 12, la meilleure façon de régler ce problème est d'établir plus clairement que les titulaires des postes techniques ou consultatifs de haut niveau toucheront une rémunération similaire au premier niveau des cadres de direction, sans toutefois être classifiés comme cadres de direction. L'idée de rémunérer les dirigeants de la fonction publique à un niveau qui se compare davantage à celui de leurs homologues du secteur privé serait plus convaincante si l'affiliation au groupe EX était limitée aux personnes exerçant des responsabilités importantes en matière de gestion.

Un point toujours délicat en rapport avec la rémunération des hauts fonctionnaires est la comparaison avec celle des députés et des ministres. Il semble exister une règle implicite voulant que la rémunération des sous‑ministres ne doive généralement pas dépasser celle des ministres. Bien entendu, c'est là une question politique. Si le gouvernement désire respecter ce principe, alors le système actuel d'établissement de la rémunération du personnel de direction ne devrait probablement pas être modifié. Cependant, du strict point de vue des ressources humaines, il serait logique de revoir à la hausse les salaires des cadres de direction – notamment les sous‑ministres adjoints – et des sous‑ministres afin qu'ils se rapprochent davantage de ceux de leurs homologues du secteur privé.

Corollaire important, les conditions d'emploi pour les postes de cadres de direction et de sous‑ministres devraient indiquer clairement qu'un cadre peut être renvoyé s'il ne satisfait pas aux attentes pendant deux années consécutives[198]. Afin d'éviter qu'une mauvaise relation entre un sous‑ministre ou un autre haut dirigeant et un cadre en particulier n'entraîne un renvoi injuste, le cadre congédié devrait pouvoir interjeter appel auprès d'un comité composé de trois sous‑ministres ou sous‑ministres adjoints, selon le niveau du cadre concerné. De fait, nous préconisons une politique de « rémunération réelle pour une haute direction réelle ». De façon générale, la combinaison d'un salaire plus élevé et d'une moins grande sécurité d'emploi devrait donc susciter un engagement plus soutenu envers le rendement dans la gestion de la fonction publique. Le renforcement de cette culture aux échelons supérieurs de la fonction publique devrait imprégner progressivement l'ensemble de l'administration fédérale. Ainsi, on peut penser que l'amélioration de la rémunération des cadres de direction favorisera une plus grande orientation sur les résultats au sein de la fonction publique.

Dans le cadre de toute tentative visant à augmenter la rémunération du personnel de direction de la fonction publique, il faudrait étudier la possibilité d'augmenter la partie du salaire liée au rendement annuel obtenu par rapport aux objectifs établis. Comme nous l'avons noté précédemment, le niveau actuel de rémunération conditionnelle des cadres varie de 10 % pour les postes de niveau 1 à 3, à 15 % pour les postes de niveau 4 et 5. Pour les sous‑ministres, cette rémunération varie de 15 % au niveau 1, à 20 % aux niveaux 2 et 3 et à 25 % au niveau 4. Au niveau EX 1, la tranche de 7 % fait partie du niveau de salaire équivalant à celui du secteur privé. Il n'y a donc qu'une prime possible de 3 % et relativement peu de cadres touchent celle-ci. En raison de la confusion qui persiste à ce sujet au sein du public, toute augmentation au régime de rémunération au rendement devrait établir clairement la différence entre la rémunération ré-octroyable et les primes pour rendement exceptionnel.

On pourrait faire valoir que la plus grande partie ou la totalité de la rémunération ré-octroyable liée à la rémunération au rendement devrait être incluse dans le salaire de base des cadres de direction. La rémunération au rendement serait alors limitée à un vrai système de primes auquel seuls les meilleurs (peut‑être 20 % du groupe, tout au plus) auraient accès. Le public comprendrait plus facilement le fonctionnement d'un tel système, qui serait par ailleurs plus facile à justifier. Cependant, une telle approche éliminerait l'élément de responsabilité face au rendement parmi les cadres de direction, une nouvelle culture qui a déjà fait du chemin au sein de cette collectivité et qui pourrait devenir encore plus rigoureuse. Un tel recul au sujet de la rémunération au rendement pour les cadres de direction pourrait aussi compliquer l'application éventuelle des pratiques de rémunération liée au rendement à d'autres groupes d'employés.

Enfin, la mise en œuvre d'un tel changement permettrait aux cadres les moins performants d'obtenir une augmentation de salaire, alors que les meilleurs ne verraient aucun changement à leur rémunération totale. Ils pourraient même voir leur rémunération réduite si seulement une partie de la rémunération ré-octroyable liée au rendement était intégrée au salaire régulier dans le but de constituer une plus grosse réserve en vue du versement des primes aux meilleurs 20 % ou quelque.

Dirigeants des sociétés d'État et autres personnes nommées par décret

La rémunération des dirigeants des sociétés d'État et des autres personnes nommées par décret est établie selon un processus semblable à celui employé pour les cadres de direction et les sous‑ministres. Le Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction recommande d'apporter des modifications aux échelles salariales et aux autres aspects de la rémunération en s'appuyant sur une étude comparative des postes du secteur privé et du secteur public réalisée par Hay Associates.

En 2000, le Bureau du Conseil privé (qui gère ces nominations) a fait un examen détaillé de la classification des descriptions de postes des dirigeants des sociétés d'État. Cet examen a permis de faire une mise à jour importante de la rémunération dans ce secteur. Puis, en 2005, le Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction, qui se préoccupe de la comparabilité externe et de l'équité interne, a recommandé que la rémunération totale des sociétés d'État au niveau du groupe 1 soit égale à la moyenne (50e centile des postes comparables dans les secteurs privé et public).

En ce qui a trait aux autres postes dont les titulaires sont nommés par décret, l'examen de leur structure de classification et de rémunération, effectué en 2002, a entraîné d'importantes hausses salariales. En 2005, le Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction a recommandé de rapprocher la rémunération totale du niveau le plus populaire, soit GC 3, à celle de la moyenne des postes similaires dans les secteurs privé et public au Canada.

Le gouvernement a approuvé les recommandations de 2005 en s'appuyant sur l'opinion du Comité voulant qu'elles aient pour effet de rétablir les relativités internes entre les différents types de postes de haut niveau dans le secteur public fédéral, y compris les postes de cadres de direction et de sous‑ministres.

Si l'on décidait de rapprocher les salaires des cadres de direction et des sous‑ministres de la fonction publique de ceux de leurs homologues du secteur privé, il serait opportun de revoir à nouveau les niveaux de salaire des dirigeants des sociétés d'État et des autres personnes nommées par décret afin de maintenir une relativité raisonnable dans le secteur public fédéral.

Forces armées canadiennes

Nous expliquons dans le Volume Deux les méthodes complexes utilisées pour établir la rémunération des Forces armées canadiennes. En bref, la rémunération totale est calculée séparément pour les militaires du rang (MR) et les officiers du service général. La comparaison permet de jumeler un ensemble bien précis d'éléments de rémunération. On utilise des postes repères pour établir une différence avec la rémunération du noyau de la fonction publique que l'on appelle le « coefficient d'augmentation justifiée ». D'autres montants sont versés pour le facteur militaire, un pourcentage tenant lieu de surtemps et un montant pour la rémunération d'intérim. La rémunération des officiers du service général est établie comme un multiple de la rémunération des cadres de direction du noyau de la fonction publique et s'appuie sur une évaluation modifiée du Plan Hay. La rémunération des officiers spécialisés tels que les avocats, les médecins et les dentistes militaires ayant le grade de capitaine ou un grade supérieur est alignée sur celle des avocats du ministère de la Justice et des médecins et dentistes du secteur privé, respectivement. La rémunération des officiers supérieurs correspond à un multiple spécifié de celle des cadres de direction du noyau de la fonction publique.

Le Volume Deux nous donne une idée des frustrations et des malentendus passés qui ont influencé l'établissement des niveaux de rémunération des militaires au fil des ans. En réalité, la méthode de calcul du coefficient d'augmentation justifiée est si complexe et si peu comprise (ou reconnue comme valable) que le Conseil du Trésor ne l'accepte que rarement. Il revient typiquement aux échelons supérieurs des Forces armées canadiennes et du Conseil du Trésor de fixer un montant acceptable en s'appuyant sur différents facteurs allant du rythme des opérations militaires à l'état actuel des négociations collectives dans le noyau de la fonction publique. À l'occasion, on a approuvé un examen plus détaillé de la rémunération militaire, comme vers la fin des années 1990.

L'approche actuelle peut être décrite comme étant à la fois inefficace, non transparente, complexe et arbitraire. Les militaires canadiens sont appelés de plus en plus à mettre leur vie en danger dans le cadre de missions internationales. Il serait approprié d'honorer leur contribution lors de missions difficiles et souvent dangereuses en adoptant une méthode plus transparente et équilibrée pour fixer la rémunération du personnel militaire.

Dans des pays comme le Danemark, la France, l'Irlande, les Pays-Bas, les États-Unis et la Nouvelle‑Zélande, il « incomberait au ministère de la Défense de fixer le salaire du personnel militaire. Dans la plupart des cas, ces décisions doivent être ratifiées à un niveau plus élevé du gouvernement ou par le Trésor »[199]. À première vue, le système utilisé dans ces pays semble similaire au nôtre. Il existe cependant des différences considérables dans l'application des pratiques de chaque pays[200].

L'Australie dispose du mécanisme institutionnel le plus indépendant, le Defence Force Remuneration Tribunal. Créé en 1984, le tribunal australien a pour mandat de vérifier et de fixer les salaires et les avantages connexes des membres des Forces armées australiennes[201]. Bien qu'il s'agisse d'un mécanisme intéressant, il est peu probable qu'il puisse être adapté à la situation canadienne. L'Australie utilise depuis longtemps des organismes quasi judiciaires pour fixer les augmentations de salaires dans le secteur privé. L'adoption de cette pratique pour les Forces armées australiennes cadre donc bien avec la norme générale[202]. Au Canada, tous les groupes doivent obtenir l'approbation du gouvernement en matière de rémunération. Il semble donc peu probable que les Forces armées canadiennes échappent au contrôle du Conseil du Trésor et du Parlement[203].

De façon plus conforme aux traditions et valeurs du Parlement canadien et de la fonction publique canadienne, le Royaume-Uni possède d'un organisme indépendant, le Armed Forces Pay Review Body (AFPRB), qui conseille à la fois le premier ministre et le secrétaire d'État à la défense sur la rémunération et les indemnités des membres des Forces armées. Le mandat de cet organisme créé en 1971 stipule, depuis 1998, qu'il doit prendre en considération les points suivants avant de faire des recommandations :

  • La nécessité de recruter, de maintenir en poste et de motiver le personnel apte et qualifié, compte tenu des particularités d'une carrière dans les Forces armées.
  • Les politiques du gouvernement visant à améliorer les services publics, incluant l'exigence d'atteindre les objectifs de prestation de services ministériels que doit respecter le ministère de la Défense.
  • Les fonds dont dispose le ministère de la Défense, tels qu'établis par le plafond de dépenses du gouvernement.
  • La cible d'inflation du gouvernement.

L'AFPRB doit aussi tenir compte du fait que le salaire des membres des Forces armées doit être globalement comparable aux taux de salaire de la main‑d'œuvre civile[204].

Nous sommes conscients que des institutions ne peuvent pas être tout simplement importées d'un contexte politique/bureaucratique à un autre. Cependant, une version canadienne du Armed Forces Pay Review Body du Royaume-Uni pourrait comporter des avantages. Au Canada, les questions de rémunération relèvent habituellement du Conseil du Trésor. Un Comité consultatif sur la rémunération des Forces armées canadiennes devrait donc relever à la fois du ministre de la Défense et du président du Conseil du Trésor. Le Comité devrait être composé de personnalités publiques canadiennes de renom capables de trouver un équilibre entre l'efficacité des Forces armées canadiennes et le bien‑être de ses membres, tout en demeurant prudent et modeste avec les fonds publics. On s'attendrait à ce que le gouvernement mette en œuvre des recommandations bien appuyées, bien qu'il lui serait toujours possible de modifier les options proposées ou de mettre en place certains éléments de façon graduelle.

Il existe une différence importante entre les situations canadienne et britannique, soit la façon dont les ministères sont financés. Au Royaume-Uni, chaque ministère doit respecter un plafond de dépenses, ce qui limite probablement le Armed Forces Pay Review Body en termes de recommandations concernant les augmentations salariales. Au Canada, dans la plupart des cas, les augmentations salariales sont financées à même les réserves du Conseil du Trésor. Il serait donc important de s'assurer que le Comité consultatif sur la rémunération des Forces armées canadiennes évalue de façon judicieuse les augmentations souhaitables sous l'angle du rationnement des fonds publics, tout en respectant des limites financières adéquates.

Cette approche pourrait être utile à plusieurs égards. Premièrement, en adoptant une approche transparente pour fixer la rémunération du personnel militaire, le Comité rassurerait les membres des Forces armées canadiennes que dans les décisions qui les concernent, on tient dûment compte de leur situation et de leurs besoins. Deuxièmement, en mettant l'accent sur les caractéristiques uniques de la vie et de la rémunération des militaires, le travail du Comité faciliterait la distinction entre les décisions entourant le salaire et les avantages des membres des Forces armées canadiennes et celles touchant les autres groupes du secteur public fédéral. Enfin, si elle était appliquée intégralement, cette approche serait crédible aux yeux du public et recevrait probablement l'appui de tous les partis politiques au Parlement.

Membres civils et réguliers de la Gendarmerie royale du Canada

Le Volume Deux présente une description du processus qui a mené, au milieu des années 1990, à la création du Conseil de la solde de la GRC, dont le mandat est d'élaborer une approche « ordonnée, indépendante, transparente et professionnelle » en matière de rémunération au sein de la Gendarmerie royale du Canada. De façon générale, le Conseil a bien fonctionné au cours de la dernière décennie. Grâce à une méthode cohérente pour comparer la rémunération totale de la GRC à celle des corps policiers provinciaux et municipaux à l'échelle du pays, le Conseil a réussi en grande partie à définir les hausses salariales approuvées par le Conseil du Trésor au cours des dernières années.

Cependant, en 2004, le système a connu ses premières difficultés. Pour la première fois depuis des années, le Conseil du Trésor a approuvé une augmentation salariale inférieure à celle recommandée par le Conseil de la solde de la GRC sur la base de son étude annuelle. Cette décision a été motivée par un différend non résolu concernant la politique, et la hausse salariale exceptionnelle des membres du corps policier de la ville de Toronto.

La GRC fait régulièrement valoir que la rémunération de ses membres devrait s'appuyer sur la moyenne des trois principaux corps policiers qui lui servent de points de comparaison au Canada. Pendant plusieurs années, le Conseil du Trésor a appliqué cette approche, mais a refusé de l'adopter comme politique. Le Secrétariat craignait justement que les corps policiers se voient accorder une ou deux hausses salariales exceptionnelles, en raison de politiques locales plutôt que des considérations liées au marché du travail, ce qui aurait entraîné une augmentation excessive pour les membres de la GRC. Une telle augmentation pourrait également avoir des répercussions néfastes sur les processus de détermination des salaires dans la fonction publique.

Point encore plus important, comme nous avons pu le constater à la section précédente sur la rémunération du personnel militaire, le Armed Forces Pay Review Body du Royaume-Uni doit tenir compte non seulement de la comparabilité, mais aussi de l'amélioration de la productivité, des plafonds de dépenses et de la cible d'inflation du gouvernement. Le Secrétariat du Conseil du Trésor soutient par ailleurs que la facilité ou la difficulté relative du recrutement et du maintien en poste des membres de la GRC devrait être prise en considération au moment de définir les niveaux de rémunération du corps policier fédéral.

De fait, en 2004, l'augmentation salariale accordée au corps policier de Toronto a fait passer la moyenne des trois principaux corps policiers canadiens bien au‑delà de l'offre faite au plus gros syndicat de la fonction publique. La décision d'accorder une augmentation inférieure à celle recommandée a été mal accueillie au sein de la GRC[205].

Selon nous, l'approche actuelle utilisée par le Comité de la solde de la GRC est appropriée et devrait être maintenue. Cependant, après avoir appliqué cette approche pendant près d'une décennie, il serait raisonnable de la réexaminer, ainsi que la façon dont on établit les comparaisons de la rémunération totale et la meilleure façon de traiter des augmentations exceptionnelles d'un ou deux corps policiers. L'examen devrait également porter sur la façon de rendre explicites les facteurs autres que la comparabilité dans l'évaluation des augmentations salariales. On peut s'attendre à ce qu'un tel examen entraîne la création d'un nouveau système que la GRC et le Secrétariat du Conseil du Trésor pourraient utiliser avec confiance pour plusieurs années à venir.

Juges nommés par le gouvernement fédéral

La rémunération des juges nommés par le gouvernement fédéral est régie par la Loi sur les juges, telle que modifiée de temps à autre. Tous les quatre ans, une commission est mise sur pied (d'où le nom de Commission quadriennale) afin d'examiner la pertinence de la rémunération des juges et de recommander des modifications appropriées. La Commission est composée de représentants nommés par le ministre de la Justice et le Conseil canadien de la magistrature (qui représente les juges fédéraux) et d'un président chois par les deux parties.

Cette approche permet de préserver l'indépendance judiciaire prévue par la Constitution en ce sens qu'il ne revient pas au gouvernement, dont les gestes sont jugés par les cours supérieures fédérale et provinciales, d'établir les salaires et les avantages sociaux des juges. Bien qu'il incombe au Parlement d'examiner les recommandations de la Commission, il n'est pas tenu de s'y conformer. En apportant des modifications à la Loi sur les juges, le Parlement peut refuser ou modifier les recommandations de la Commission, pourvu qu'il puisse justifier sa décision de façon rationnelle. Cependant, l'approbation régulière de ces recommandations au cours des dernières décennies rend cette situation de moins en moins probable.

D'un autre côté, il est difficile de dire quel serait le meilleur comparateur pour établir la rémunération des juges. Par le passé, comme on le décrit au chapitre 3, les Commissions ont eu tendance à se servir du point médian de l'échelle salariale des sous‑ministres, soit le niveau 3. Dans son dernier rapport publié en 2004, la Commission a préféré faire la comparaison avec les salaires des associés des cabinets d'avocats des principaux centres urbains. Il semble que ce changement de cap ait été motivé par le fait que les salaires des sous‑ministres ont très peu augmenté au cours des dernières années.

Un débat public sur les salaires appropriés pour comparer la rémunération des juges serait justifié, notamment si le gouvernement choisit d'accroître la comparabilité des salaires des sous‑ministres et des cadres de direction de la fonction publique avec ceux de leurs homologues du secteur privé. En fait, le travail des juges est très différent de celui des administrateurs généraux des ministères et organismes, tant au niveau du contenu que des conditions de travail et de l'obligation de rendre compte. Les associés des cabinets d'avocats sont les principaux candidats recrutés pour les postes de juges. En principe, donc, les avocats d'expérience du secteur privé constituent le meilleur élément de comparaison. Or, les écarts de salaire importants parmi les avocats du secteur privé, peu importe la région, le cabinet, les spécialités juridiques et les personnes, posent problème. Le dossier des comparateurs pour la rémunération des juges requiert plus d'attention si l'on veut que le système actuel de Commission quadriennale demeure acceptable aux yeux du public.

Parlementaires

Dans le Volume Deux, nous expliquons comment, à la suite du rapport d'une commission en 2001, on a pris la décision d'augmenter les salaires des députés et des sénateurs, d'intégrer leur indemnité non imposable à leur salaire et de lier toute hausse future à celles des juges nommés par le gouvernement fédéral. En 2004, toutefois, le gouvernement est revenu sur sa décision concernant ce dernier point. En 2005, la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi sur les traitements ont été modifiées pour y ajouter un nouvel indice de calcul des hausses salariales annuelles des députés et des sénateurs.

La décision de dissocier les moyens servant à définir la rémunération des juges de ceux servant à définir la rémunération des parlementaires est théoriquement justifiable. Les responsabilités et le travail de ces deux groupes essentiels au système de gouvernance du Canada ne pourraient pas être plus différents. Les juges siègent à vie et doivent agir de façon indépendante en prenant habituellement leurs décisions par eux-mêmes. La durée d'exercice des fonctions des parlementaires varie et ils travaillent normalement en respectant la discipline du parti et en prenant des décisions collectives.

L'approche adoptée en 2005 concernant la rémunération des parlementaires permet des augmentations annuelles transparentes et indépendantes de celles octroyées ailleurs dans le secteur public fédéral, et qui correspondent à celles octroyées au Canadien moyen. Cela évite aussi aux parlementaires d'avoir à voter leurs propres augmentations de salaires. En permettant des hausses salariales annuelles correspondant à l'évolution de l'échelle salariale de l'ensemble des secteurs d'activité économique, la nouvelle politique permettra aux parlementaires de maintenir leur pouvoir d'achat par rapport à la main‑d'œuvre en général.

Cependant, avec le temps, la situation relative du salaire des parlementaires par rapport à ceux des députés et des hauts fonctionnaires fédéraux, y compris les sous‑ministres et les juges, fera surgir des doutes quant à la possibilité d'inciter des candidats sérieux à briguer les suffrages si l'on se contente d'aligner leur rémunération sur celle du Canadien moyen. Il serait donc logique de nommer périodiquement une commission, semblable à la Commission quadriennale chargée de revoir la rémunération des juges, pour voir s'il y a lieu de mettre à jour la rémunération des parlementaires et, le cas échéant, de préciser la façon de le faire.

On pourrait soutenir que les députés et les sénateurs se trouveront en conflit d'intérêts s'ils doivent déterminer leur propre rémunération à la lumière des recommandations d'une telle commission. Une façon de contrer cette critique serait de prévoir que toute augmentation supérieure à l'ajustement annuel dicté par l'ensemble des secteurs d'activité économique ne pourrait être approuvée qu'à la suite de l'élection d'un nouveau Parlement. Même cette mesure ne pourrait écarter toute controverse, puisque certains candidats seraient sûrement tentés de promettre l'annulation d'une augmentation approuvée au préalable. Le fait demeure que seuls les parlementaires peuvent décider de leur propre niveau de rémunération. Même l'adoption de l'approche axée sur l'ensemble des secteurs d'activité économique a dû être approuvée par les parlementaires. Il serait préférable que toute décision entourant une hausse future supérieure au niveau calculé selon la nouvelle formule soit prise dans un contexte de transparence et sur la base de conseils indépendants.

Voici donc, en résumé, les recommandations portant sur la détermination des salaires de certains groupes particuliers au sein du secteur public fédéral :

Recommandation 13

13.1 Le président du Conseil du Trésor devrait demander au Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction d'examiner la rémunération des hauts fonctionnaires du secteur public fédéral et de faire des recommandations sur la mesure dans laquelle celle-ci devrait être comparable à celle de leurs homologues du secteur privé. Il serait probablement plus logique de se concentrer d'abord sur les salaires des sous‑ministres adjoints et des sous‑ministres. Le Comité devrait s'assurer que la méthode de comparaison est théoriquement bien fondée et que les données sur la comparabilité sont fiables. Il devrait aussi étudier la possibilité de restreindre la définition des postes pouvant être classés dans le groupe de la Direction afin d'exclure les postes ayant peu de responsabilités de gestion et recommander des conditions d'emploi qui permettent de renvoyer un cadre de direction dont le rendement n'est pas satisfaisant.

13.2 Le Comité devrait aussi revoir le rôle que doit jouer la rémunération au rendement dans la rémunération globale des cadres de direction.

13.3 Si le président du Conseil du Trésor juge que l'on doit procéder à l'examen proposé à la recommandation 13.1, le Bureau du Conseil privé devrait demander au Comité consultatif de procéder à un tel examen et de faire des recommandations sur la rémunération des dirigeants des sociétés d'État et des autres personnes nommées par décret par rapport à celle de leurs homologues du secteur privé.

13.4 Le ministre de la Défense nationale et le président du Conseil du Trésor devraient charger conjointement une personnalité canadienne bien en vue de présenter une proposition sur la meilleure façon d'établir un Comité consultatif sur la rémunération des Forces armées canadiennes, inspiré du modèle du Armed Forces Pay Review Body du Royaume-Uni.

13.5 Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et le président du Conseil du Trésor devrait inviter une société d'experts‑conseils renommée, spécialisée en rémunération[206], à examiner la façon dont le Conseil de la solde de la GRC mesure la rémunération totale, quels éléments autres que la comparabilité devraient être pris en considération au moment de déterminer la rémunération à la GRC et comment le Conseil du Trésor devrait traiter des situations où les hausses salariales d'un ou de plusieurs corps policiers sont exceptionnellement élevées.

13.6 Le ministre de la Justice et le Conseil canadien de la magistrature devraient demander à la prochaine Commission quadriennale, qui doit faire rapport en 2008, de procéder, dans le cadre de ses délibérations, à une analyse détaillée de la valeur et de la pertinence des divers comparateurs pouvant servir à déterminer le niveau de rémunération approprié des juges nommés par le gouvernement fédéral.

13.7 Si, dans l'avenir, les salaires des parlementaires semblent s'écarter de ceux des autres hauts fonctionnaires fédéraux, une commission indépendante, semblable à celle nommée aux quatre ans pour recommander des modifications à la rémunération des juges, pourrait conseiller le Parlement de manière indépendante et transparente sur la meilleure façon de rajuster la rémunération des parlementaires.

13.8 En mandatant les divers groupes consultatifs sur la rémunération, il importe de respecter le principe de l'indépendance de leurs analyses et de leurs recommandations, en gardant à l'esprit que la décision finale en matière de rémunération revient au gouvernement ou au Parlement, selon le cas.