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ARCHIVÉ - Examen des dépenses et comparabilité - Volume Un - Rapport d'analyse et recommandations

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12. Gestion cohérente de la rémunération fédérale

Pour assurer une gestion cohérente de la rémunération dans le secteur public fédéral, il faut établir un cadre stratégique clair en matière de rémunération, gérer soigneusement les fluctuations de la taille et de la composition de la fonction publique, appliquer une approche plus uniforme pour la négociation des divers éléments de la rémunération totale, se doter d'une capacité centrale d'analyse et de leadership stratégique afin de superviser l'application de ce cadre et adopter une politique plus pratique en matière de relations entre les différents employeurs distincts au gouvernement fédéral. Bref, le gouvernement doit voir la rémunération comme un tout, chacune de ses composantes influant sur les autres et exigeant une gestion systématique de l'ensemble. Dans ce chapitre, nous examinons tour à tour chacun de ces sujets.

Cadre stratégique de la rémunération fédérale

Depuis plusieurs années, le Secrétariat du Conseil du Trésor souhaite instaurer une politique sur la rémunération dans le secteur public fédéral. Ce projet a toutefois pris du retard pour des raisons qui s'expliquent. Immédiatement après l'Examen des programmes, à la fin des années 1990, la priorité était de restaurer la capacité d'analyse et de négociation essentielle pour relancer le processus de négociation collective après six ans de gel salarial et de conditions de travail imposées par la loi. Un projet de politique a failli être approuvé en 2000, mais en raison de changements au niveau de la haute direction, il a été mis de côté. En 2003, le Secrétariat du Conseil du Trésor a fait circuler parmi les intervenants clés, pour commentaires, un document intitulé Vers un cadre stratégique de rémunération à l'intention de la fonction publique fédérale[168]. Des consultations ont été tenues en 2003 et au début de 2004 et des rajustements ont été apportés au texte. Toutefois, la nomination d'un nouveau cabinet en janvier 2006 et le désir de tenir compte des résultats du présent examen ont mené à la décision de retarder l'entrée en vigueur de la politique proposée.

Le temps est maintenant venu d'adopter et de publier le cadre stratégique proposé. L'énoncé de ce cadre figure à l'appendice B. Il définit les principaux points à prendre en considération au moment de déterminer la rémunération dans le secteur public fédéral. Comme tout employeur, le gouvernement fédéral doit aligner son régime de rémunération sur les marchés du travail externes, assurer l'équité interne entre les groupes connexes d'employés, reconnaître, le cas échéant, le rendement individuel et collectif et veiller à ce que le régime soit abordable.

En outre, en sa qualité de très grande institution publique jouant un rôle de chef de file national dans les sphères économique et sociale, le gouvernement fédéral doit modifier ses intérêts normaux, en tant qu'employeur, en tenant compte d'objectifs de politique publique plus vastes dans l'établissement des niveaux de rémunération, notamment les objectifs généraux de sa politique financière, y compris les attentes au sujet de l'inflation, le leadership en matière de politiques sociales, comme la promotion d'un congé parental après la naissance ou l'adoption d'un enfant en subventionnant les prestations d'assurance-emploi, l'observation des lois pertinentes, comme les prescriptions de la Loi canadienne sur les droits de la personne concernant le paiement d'un salaire égal pour un travail de valeur égale et l'évaluation non sexiste des emplois, et la réaction aux attentes et aux pressions du public comme pour tout autre domaine de politique.

On dit parfois que le gouvernement fédéral devrait simplement payer ce que le secteur privé paie pour le même travail. L'argument en ce sens est que les salaires dans le secteur privé sont régis par la discipline du marché. S'ils sont trop élevés, l'entreprise risque de ne pas survive. S'ils ne le sont pas assez, l'entreprise ne sera pas en mesure d'embaucher les candidats doués dont elle a besoin. Ainsi, en alignant la rémunération fédérale sur ce qu'offre le marché du travail est la fois juste pour le contribuable et l'employé.

C'est un raisonnement convaincant, mais il suppose l'existence d'un monde plus simple que celui dans lequel nous vivons. D'une part, le marché ne fixe pas souvent un niveau salarial précis. La rémunération offerte pour essentiellement le même travail peut varier dans le secteur privé selon l'importance de ce travail pour l'entreprise concernée, la taille de l'entreprise, la syndicalisation du secteur d'activité ou de l'entreprise, la localisation et bien d'autres facteurs. D'autre part, de nombreux emplois au gouvernement ont peu de contrepartie directe dans le secteur privé. Enfin, les politiques et d'autres considérations peuvent pousser le gouvernement fédéral à s'écarter de la norme du marché.

Le défi consiste donc à concilier les intérêts du gouvernement, en sa qualité d'employeur, et ses responsabilités en tant que chef de file pour l'ensemble du pays. Cela relève davantage de l'art que de la science. Aucune formule simple ne permet de déterminer la meilleure façon d'atteindre l'équilibre souhaité. La recherche d'une correspondance avec le marché du travail externe aura toujours une certaine influence, mais il sera probablement toujours difficile de concilier adéquatement les différentes considérations.

Cette vérité est renforcée par la réalité que la plupart des salaires et des autres modalités de la rémunération sont déterminés, directement ou indirectement, par la négociation collective avec les syndicats de la fonction publique. Et dans le contexte de cette réalité, le point de référence pour l'établissement des niveaux de rémunération en pratique est ce sur quoi le Conseil du Trésor s'entend de temps à autres avec les grands syndicats, particulièrement l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et, dans une moindre mesure, l'Institut professionnel de la fonction publique (IPFP). Il se peut donc, dans ce contexte, que le pouvoir de négociation et l'opportunisme à court terme aient préséance sur les autres considérations de principe pour façonner l'issue du processus.

Devant ces faits, il peut sembler inutile d'adopter un cadre de politique en matière de rémunération au sein de la fonction publique. Des considérations multiples relatives à l'employeur et à l'intérêt public s'affrontent et elles sont toutes vulnérables aux compromis nécessaires pour conclure une convention collective. En d'autres occasions, un objectif de politique prioritaire, comme la suppression d'un sérieux déficit budgétaire, peut mener à l'imposition de niveaux de rémunération particuliers, sans qu'on tienne vraiment compte de l'incidence de cette décision sur les autres principes de rémunération.

Cependant, avec le temps, on peut voir croître et décroître l'influence des divers objectifs. Après un gel des salaires ou une hausse salariale imposée par une loi, par exemple, on constate que les considérations relatives la comparabilité externe ont tendance à s'imposer à nouveau. Si la relativité interne est faussée, on peut s'attendre à ce que de fortes augmentations soient accordées aux groupes qui ont pris du retard.

La divulgation régulière de données sur les indicateurs clés des divers facteurs liés à l'employeur et à l'intérêt public qui doivent être pris en compte dans la gestion de la rémunération aidera à maintenir un équilibre judicieux entre ces facteurs. Il importe d'avoir des échanges continus, au sein du gouvernement et dans l'opinion publique, sur les facteurs qui devraient prédominer à un moment donné et pourquoi. Le cadre stratégique de la rémunération à la fonction publique fédérale, dont on propose l'élaboration, fournira un contexte rigoureux pour orienter ces échanges au moyen d'informations pertinentes et fiables[169].

Les échanges doivent nécessairement aller au‑delà des indicateurs eux-mêmes pour englober la meilleure façon de les interpréter. Ainsi, pour un groupe professionnel donné, si la rémunération offerte sur le marché du travail externe est supérieure à celle offerte dans la fonction publique fédérale, il faut encore évaluer la pertinence de cet écart. Si, en dépit de salaires ou d'avantages sociaux moins élevés, le gouvernement fédéral est capable d'attirer un bassin suffisant de candidats qualifiés, une augmentation n'est peut-être pas justifiée.

Par ailleurs, la façon dont on comprend un élément donné dépend manifestement de sa perception. La question de l'abordabilité en est un bon exemple. D'aucuns voient la capacité de payer du gouvernement fédéral comme étant pratiquement sans limite. À l'occasion, les arbitres ont apparemment adopté ce point de vue. Pour les gestionnaires financiers par contre, le terme « abordabilité » est souvent un euphémisme pour dire que d'autres secteurs de dépenses ont une priorité plus élevée. Dans cette optique, le fardeau des restrictions à imposer pour maintenir l'ensemble du budget à un niveau donné (actuellement, que les revenus soient au moins égaux aux dépenses) devrait reposer davantage sur la rémunération (dépenses pour l'appareil gouvernemental) que sur d'autres secteurs, notamment ceux dont les citoyens bénéficient plus directement. À notre avis, un débat public sur les indicateurs les plus pertinents et l'interprétation appropriée à leur donner dans un contexte historique donné aboutira, notamment après des années de discussions soutenues, à l'application équilibrée et raisonnable des facteurs en question.

Voici donc nos recommandations au sujet de la politique de rémunération :

Recommandation 5

5.1 Le Conseil du Trésor devrait approuver le projet de Cadre stratégique de rémunération à l'intention de la fonction publique fédérale en tant qu'expression publique des éléments à prendre en considération dans l'élaboration de l'approche du gouvernement fédéral en matière de rémunération.

5.2 Afin de faciliter un débat public continu sur l'équilibre approprié entre les facteurs influant sur la rémunération, le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait publier une fois l'an un résumé des indicateurs les plus pertinents touchant chacun de ces facteurs. Idéalement, ce résumé pourrait constituer une annexe au Rapport sur les plans et les priorités que le Secrétariat du Conseil du Trésor doit déposer annuellement au Parlement, normalement en février ou en mars.

On a expliqué dans cette section la complexité des facteurs dont il faut tenir compte dans une politique sur la rémunération dans le secteur public fédéral. Quoiqu'un cadre stratégique ne précise pas quel est le meilleur équilibre entre les facteurs à prendre en considération dans une situation donnée, on peut néanmoins s'attendre à ce qu'il rehausse le niveau à la fois du débat public et de la compréhension générale. Il est clair que l'application responsable et intelligente du cadre au fil du temps exigera l'adoption d'un mode de gestion durable et complet de ce domaine. Avant d'aborder ce point, toutefois, nous préconisons de mieux contrôler les fluctuations de la taille et de la composition des effectifs du secteur public fédéral et de trouver des moyens de négocier les avantages non salariaux sous forme de concessions au moins partielles des augmentations salariales.

Gérer les fluctuations de la taille et de la composition des effectifs du secteur public fédéral

Dans le Volume Deux, nous montrons qu'environ 40 % (un montant estimatif de 1,8 milliard de dollars sur un total de 4,2 milliards de dollars) de la croissance de la masse salariale du noyau de la fonction publique et des employeurs distincts entre 1997‑1998 et 2002‑2003 peut être attribué à l'augmentation du nombre d'employés après l'Examen des programmes. Nous avons aussi indiqué qu'environ le tiers de la hausse du salaire moyen réel (en neutralisant l'effet de l'inflation) durant cette période résultait de l'évolution de la composition des effectifs. En effet, le nombre de membres des groupes mieux rémunérés comme Systèmes d'ordinateurs (CS), Économique, statistique et sociologie (ES) et Droit (LA) a augmenté rapidement, tandis que celui des membres de groupes moins bien rémunérés comme Secrétariat, sténographie et dactylographie (ST), Commis aux écritures et règlements (CR) et Manœuvres et hommes de métier (GL) a diminué.

Ces deux phénomènes reflètent des changements réels dans la société et les politiques. Le Conseil du Trésor a approuvé l'accroissement des effectifs pour une myriade de raisons, allant de la nécessité de renforcer les mesures de sécurité à la suite des événements du 11 septembre 2001 à New York, jusqu'à la mise en œuvre de nouveaux programmes sociaux. La composition de la fonction publique a évolué en fonction de besoins comme le recours accru aux technologies de l'information et aux systèmes connexes, l'accent mis sur l'analyse des politiques et l'augmentation du nombre de litiges relatifs aux droits des Autochtones et à la Charte.

Cependant, durant les années qui ont suivi immédiatement l'Examen des programmes, il n'y a eu qu'une gestion ou un suivi central limité de la croissance des effectifs dans la fonction publique fédérale ou des changements dans la composition des effectifs. Étant donné que les décisions connexes devaient être approuvées par le Conseil du Trésor, l'opinion dominante était que ces questions devaient être gérées au cas par cas. Les hausses des budgets salariaux devaient être approuvées par le Conseil du Trésor, mais personne ne faisait une synthèse des résultats de ces décisions d'une manière qui aurait permis de poser un jugement global sur leur importance cumulative.

Dans les cas où la haute direction des ministères pouvait aussi prendre ses propres décisions dans ces domaines, les choses étaient laissées à sa discrétion. Les fonds approuvés pouvaient être transférés entre les budgets non salariaux et les budgets salariaux à condition de prévoir une majoration de 20 % (facteur de conversion) pour couvrir le coût des avantages sociaux connexes. Les postes existants pouvaient être reclassifiés à condition que la difficulté des tâches rattachées à ces postes ait augmenté suffisamment. Les nouveaux postes pouvaient être classifiés à des niveaux plus élevés que les postes existants pour les mêmes raisons. Même si les coûts supplémentaires de ces décisions normalement prises au niveau local étaient consignés fidèlement dans les systèmes comptables de l'État et que l'on s'assurait que les budgets approuvés étaient suffisants pour les assumer, on a peu examiné leur effet combiné sur les coûts de rémunération à l'échelle du ministère ou du gouvernement.

Avant le début des années 1990, des mesures centrales de contrôle étaient exercées sur le nombre d'employés et les reclassifications faisaient l'objet d'un suivi systématique. Les effectifs étaient limités à un nombre précis d'équivalents à temps plein[170]. Les reclassifications étaient contrôlées après coup dans le cadre des vérifications cycliques du Secrétariat du Conseil du Trésor. C'est la frustration éprouvée par les sous-ministres à l'endroit de la rigidité de ce système de contrôle qui a mené à la délégation de pouvoirs accrus aux gestionnaires. Ces derniers ont ainsi pu gérer, dans le cadre de budgets de fonctionnement approuvés englobant toutes les dépenses salariales et les frais de fonctionnement, en permettant des virements entre les affectations pour les dépenses salariales et les dépenses non salariales, moyennant le facteur de conversion précité.

Aujourd'hui, la solution n'est pas de réimposer des mesures de contrôle rigides. Immédiatement après l'arrivée au pouvoir du gouvernement Martin en décembre 2003, des mesures de contrôle ont été appliquées à titre provisoire afin de permettre aux nouveaux ministres d'évaluer la situation. Ces mesures ont été supprimées l'année suivante car on s'est aperçu qu'elles gênaient l'instauration de nouvelles mesures.

Nous proposons la mise en place d'un système que l'on pourrait qualifier de délégation gérée. Il permettrait tout d'abord au Conseil du Trésor d'avoir une idée de l'évolution de la taille et de la composition des effectifs du secteur public fédéral. Les principales tendances seraient publiées dans le rapport annuel sur la rémunération fédérale. Au moins une fois l'an également, les ministres du Conseil du Trésor examineraient les tendances globales. Cet examen établirait le contexte pour l'étude de cas particuliers de demande d'approbation d'une hausse des budgets salariaux et servirait à déterminer les stratégies de réaffectation. Ainsi, les cas individuels pourraient encore être évalués objectivement, mais toujours en tenant compte de la situation globale.

Deuxièmement, les ministères conserveraient le pouvoir de virer des fonds entre les budgets non salariaux et les budgets salariaux, mais ces virements feraient l'objet d'un suivi et d'un rapport au Conseil du Trésor au moins annuellement. Si le niveau des virements était jugé excessif, le secrétaire du Conseil du Trésor avertirait en conséquence les sous-ministres.

Cependant, il semble que le facteur de conversion de 20 % utilisé pour les virements entre budgets non salariaux et salariaux soit beaucoup trop bas. En examinant les chiffres globaux sur la rémunération en 2002‑2003 présentés dans le Volume Deux, nous observons que sur une masse salariale de 9 milliards de dollars pour le noyau de la fonction publique, 3,4 milliards de dollars de plus ont été consacrés aux dépenses non salariales connexes, soit l'équivalent de 36,6 % de la masse salariale. Certains des montants inclus dans cette somme de 3,4 milliards de dollars (par exemple, pour les heures supplémentaires) sont déjà payés à même les budgets ministériels. En outre, certains montants visent un plus grand nombre d'employés que ceux faisant partie du noyau de la fonction publique. En tenant compte de ces points, nous pensons qu'un facteur de conversion d'environ 30 % serait raisonnable[171].

La raison pour laquelle il faudrait augmenter le facteur de conversion pour qu'il corresponde de façon plus réaliste aux dépenses non salariales rattachées à l'effectif de l'employeur est simple. En fixant artificiellement un prix trop bas, on incite les acheteurs à acheter plus que nécessaire. Un facteur de conversion plus exact constituerait un frein naturel à ce type de virements et ralentirait la croissance de la fonction publique, sans que l'on ait à adopter des règles plus strictes à cet égard.

Troisièmement, l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada mettrait en œuvre un programme de vérification systématique de la reclassification des postes existants et de la classification des nouveaux postes, et les résultats de ces vérifications seraient communiqués annuellement au Conseil du Trésor et au Parlement. Depuis 2004, le Conseil du Trésor oblige les ministères à afficher sur Internet les détails relatifs aux mesures de classification qu'ils ont prises. Cette mesure favorisera sans doute l'application responsable du pouvoir délégué de classifier les postes. Cependant, seul un programme régulier de vérification permettra réellement de vérifier si le pouvoir de délégation est appliqué de manière judicieuse dans un ministère. On a commencé à faire ce genre de vérification en 2003, comme il est mentionné dans le Volume Deux. Plus récemment, l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada a mis au point un outil pour évaluer les risques que présentent les petits ministères et organismes et elle a commencé à l'appliquer pour déterminer les vérifications à faire en priorité. Le temps est maintenant venu de passer à un cycle régulier de vérifications et de rapports dans ce domaine pour toutes les parties du noyau de la fonction publique. Les employeurs distincts doivent veiller à ce que des examens similaires aient lieu afin d'assurer l'intégrité du système de classification.

Il convient de souligner que l'objectif de cette démarche n'est pas de faire obstacle aux changements dans la composition de la fonction publique, qui sont inévitables compte tenu de l'évolution du rôle du gouvernement fédéral et de la complexité croissante de l'application des politiques publiques et de l'exécution des programmes. Il est plutôt de s'assurer que toutes les décisions en matière de classification soient bien fondées et que les hausses des coûts de la rémunération qui en résultent soient raisonnables.

En résumé, voici nos recommandations dans ce domaine :

Recommandation 6

6.1 Le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait tenir et intégrer des dossiers détaillés sur les hausses approuvées des budgets salariaux et leurs justifications.

6.2 Les sous-ministres devraient conserver la capacité de transférer des fonds des budgets non salariaux approuvés aux budgets salariaux. Cependant, le facteur de majoration de ces transferts devrait être porté de 20 % à 30 %, et ce taux devrait être revu annuellement et rajusté en fonction du coût réel cumulatif des avantages sociaux non salariaux.

6.3 Les sous-ministres devraient conserver le pouvoir de classifier les postes jusqu'au niveau EX 3, ainsi que les postes de niveau EX 4 et EX 5 faisant déjà partie de l'effectif ministériel. L'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada devrait appliquer à toutes les parties du noyau de la fonction publique son modèle de vérification, axé sur les risques, des décisions ministérielles en matière de reclassification de postes existants et de classification de nouveaux postes.

6.4 Au moins une fois l'an, un aperçu et une analyse des tendances des niveaux d'emploi et de la composition de l'effectif de la fonction publique et de la qualité des décisions en matière de classification des ministères devraient être présentés au Conseil du Trésor. Le Rapport annuel sur la rémunération fédérale devrait résumer les résultats de cette analyse à l'intention du Parlement et du public.

Élargir la portée de la négociation

À l'heure actuelle, la portée de la négociation collective dans la fonction publique fédérale est à la fois étroite et fragmentée et elle favorise l'accroissement des dépenses globales au titre de la rémunération. Cette réalité contraste avec la situation qui prévaut dans le secteur privé et dans la plus grande partie du secteur public où toutes les questions qui doivent être réglées conjointement sont traitées dans une même convention collective.

En pratique, au cours du processus régulier de négociation collective, le gouvernement fédéral négocie avec ses syndicats presque exclusivement les échelles salariales, les indemnités, les primes et les droits aux congés. Les autres avantages sociaux comme l'assurance-vie, l'assurance-invalidité et les régimes de soins de santé et de soins dentaires font l'objet de négociations distinctes. Parfois, certains de ces avantages sont négociés avec un syndicat particulier (par exemple avec l'Alliance de la Fonction publique du Canada pour le régime de soins dentaires), mais plus souvent avec tous ou la plupart des syndicats de la fonction publique, par l'entremise du Conseil national mixte. Le Régime de pension de retraite de la fonction publique n'est pas assujetti à la négociation, étant donné que ses modalités sont prescrites par une loi, la Loi sur la pension de la fonction publique.

La raison pour laquelle on procède ainsi de manière fragmentée pour déterminer le niveau global de la rémunération dans la fonction publique semble être le désir à la fois de contrôler les coûts et d'établir un cadre essentiellement commun pour régir l'emploi dans le secteur public fédéral. En appliquant une méthode largement unifiée de détermination des avantages sociaux, nous nous épargnons le fardeau administratif de gérer des produits distincts pour différents employés, qui, de fait, travaillent dans le même ministère ou organisme. En souscrivant des régimes d'avantages sociaux analogues pour d'importants groupes d'employés, nous pouvons nous attendre à obtenir des offres avantageuses des agents qui les administrent. Un tel résultat s'explique par la capacité de ces entreprises de répartir leurs frais généraux fixes entre un grand nombre de clients et par le simple fait que le nombre prévisible de demandes de règlement varie moins lorsque la taille du groupe assuré augmente. En offrant à la plupart des employés des avantages normalisés, il est plus facile de les faire passer d'une organisation ou d'un groupe professionnel à un autre et de promouvoir un sentiment d'appartenance à la fonction publique dans son ensemble.

Les avantages escomptés ne sont cependant pas sans inconvénients. Le principal coût tient au fait qu'en déterminant les avantages sociaux par des méthodes fragmentées et distinctes, il est impossible de négocier des compromis entre les diverses formes de rémunération. Paradoxalement, ce que nous parvenons à épargner en frais généraux en conservant des régimes d'avantages sociaux largement unifiés, nous pouvons plus que le perdre à cause des pressions qui s'exercent pour bonifier les avantages aux diverses tables, dans l'intérêt des bonnes relations patronales-syndicales, sans pouvoir compenser les hausses consenties à cet égard par des rajustements salariaux à la baisse.

Ainsi, chaque fois qu'il est temps de renouveler le régime de soins de santé ou le régime de soins dentaires, les négociateurs syndicaux s'attendent à ce qu'ils soient bonifiés au‑delà de ce qui est nécessaire pour simplement rattraper l'augmentation essentiellement « automatique » des coûts attribuables à la hausse des honoraires des praticiens ou du prix des médicaments. Les requêtes en ce sens ne tiennent jamais explicitement compte des récentes augmentations salariales ou autres augmentations négociées au cours des séances « régulières » de négociation collective. De fait, à chaque table de négociation, la partie syndicale invite le gouvernement à offrir quelque chose qui permettra d'améliorer les avantages dont leurs membres bénéficient déjà (et, soit dit en passant, de bien faire paraître les dirigeants syndicaux). Simplement égaler la hausse des coûts, même s'ils progressent beaucoup plus vite que l'inflation (le prix des médicaments en est un exemple notoire), est jugé insatisfaisant.

Un exemple plus difficile a trait au Régime de pension de retraite de la fonction publique. Au cours des années 1990, comme nous l'avons démontré dans le Volume Deux, la part des coûts rattachés au service courant assumée par l'employeur est passée d'environ 50 % à plus de 70 %. Bien que la Loi sur la pension de la fonction publique ait permis au Conseil du Trésor, depuis 2004, de hausser le taux de cotisation des employés pendant plusieurs années pour qu'il atteigne environ 40 %, les préoccupations entourant l'application de cette hausse dans le contexte de la négociation collective « normale » semblent avoir retardé jusqu'à l'été 2005 la décision de hausser le taux en question. Comme nous l'avons indiqué, le Régime de pension de retraite de la fonction publique est l'un des meilleurs au Canada. Il aurait été sage que le taux de cotisation des employés au Régime commence plus tôt à augmenter pour qu'il atteigne éventuellement 40 %, dans le cadre d'un rééquilibrage plus vaste de la rémunération globale à la fonction publique.

Il existe de bonnes raisons de garder le Régime de pension de retraite de la fonction publique à l'abri des changements en vogue ou fréquents qui pourraient résulter de son intégration à la négociation collective. Les employés doivent pouvoir compter sur un régime stable pendant de nombreuses années, soit durant leurs années actives et à la retraite. Cependant, ce principe n'oblige pas le gouvernement à s'en tenir rigoureusement à sa politique de séparer les modalités du Régime de pension de retraite de la négociation collective. À la fin des années 1990, le Conseil du Trésor a failli conclure une entente avec les syndicats de la fonction publique afin de cogérer le Régime, ce qui aurait supposé le partage des responsabilités à l'égard du financement du Régime et des prestations à long terme. À la suite de l'échec des efforts visant à conclure un tel accord, le Comité consultatif patronal-syndical sur les pensions a été réactivé depuis 2000 afin de servir de tribune pour débattre des questions de politique touchant aux pensions.

Tandis que la fragmentation des méthodes de détermination de la rémunération fédérale a apparemment eu pour effet de pousser à la hausse l'ensemble des coûts assumés par l'employeur, pour les employés il en a résulté une rigidité excessive du régime. Par exemple, alors que le Régime de soins de santé de la fonction publique est un régime intermédiaire décent, il est loin d'être le meilleur qui existe. Soit qu'il exclut divers services professionnels de plus en plus importants, allant de la massothérapie aux services psychologiques, soit qu'il en restreint l'accès. Il n'y a pas de protection contre le fait que la quote-part de 20 % des employés devienne trop lourde lorsqu'ils sont tenus d'acheter des médicaments extrêmement coûteux mais essentiels à leur santé. Tant que l'employeur assumera la totalité des coûts du régime et ne pourra pas négocier de concessions en échange des hausses salariales ou d'autres avantages sociaux, il est douteux que plus que des changements minimes soient apportés au régime.

Nous ne devrions pas non plus être trop enchantés par le fait que tous les employés bénéficient des mêmes avantages sociaux. La notion de la famille dans la société canadienne a évolué, tout comme les préférences des individus. Un plus grand choix d'avantages conviendrait probablement mieux à la diversité des employés. Le besoin d'attirer de nouveaux employés dans la fonction publique à divers stades de leur carrière, tout en continuant à constituer un choix de carrière pour probablement encore la majorité des fonctionnaires, représente une raison stratégique de favoriser l'élargissement de la gamme des avantages sociaux.

Il faudrait procéder à un examen poussé, qui dépasse la portée du présent examen, pour trouver la meilleure façon de formuler une approche plus complète en matière de négociation collective dans la fonction publique fédérale. Le désir de contenir autant que possible les frais d'administration est un objectif valable. Le maintien d'un niveau minimum commun de mesures de protection à l'intention de la fonction publique fédérale est aussi probablement utile pour promouvoir un sentiment d'appartenance parmi les fonctionnaires fédéraux. Cependant, les progrès des technologies de l'information ouvrent de possibilités nouvelles pour permettre une différenciation efficiente entre divers groupes et personnes. La négociation de l'ensemble du régime de rémunération serait plus réaliste, plus susceptible de faciliter le contrôle de l'ensemble des coûts et plus responsable à la fois de la part du gouvernement fédéral et des syndicats. La formulation de la meilleure approche à adopter à cet égard exigerait la réalisation d'une étude consacrée essentiellement à ce sujet.

En envisageant l'expansion de la portée de la négociation collective, une question connexe serait l'effet qu'elle pourrait avoir sur le rôle éventuel du Conseil national mixte (CNM). Comme nous l'avons noté plus tôt, certains avantages sociaux comme le Régime de soins de santé et le Régime de soins dentaires sont actuellement négociés sous l'égide de cette tribune patronale-syndicale. Même si l'élargissement de la portée de la négociation habituelle réduisait le rôle du CNM, il continuerait à remplir des fonctions importantes en facilitant un dialogue multilatéral élargi entre les employeurs et les syndicats fédéraux et en parrainant diverses directives sur des sujets comme les voyages, la réinstallation, les allocations de service extérieur et de poste isolé.

Voici donc en résumé notre recommandation dans ce domaine :

Recommandation 7

7.1 Le président du Conseil du Trésor devrait constituer un Groupe consultatif de haut niveau pour examiner la portée de la négociation collective dans la fonction publique fédérale. Le Groupe aurait pour mandat de recommander la meilleure façon d'élargir la portée de la négociation collective habituelle afin qu'elle s'applique à la plupart ou à la totalité des éléments du régime de rémunération, sauf ceux ayant trait aux cotisations de l'employeur aux programmes d'application générale comme l'assurance-emploi. Le Groupe devrait inclure d'anciens hauts fonctionnaires, des dirigeants syndicaux et des experts externes et devrait être présidé par un éminent Canadien qui connaît bien les pratiques en matière de négociation collective dans le secteur public et dans le secteur privé.

Leadership central en matière d'analyse et de stratégie

Pour assurer une gestion responsable de la rémunération au sein de la fonction publique fédérale, il est essentiel de disposer d'une capacité stratégique centrale permettant de faire des analyses approfondies et de donner des orientations et des conseils coordonnés. Quoique le Conseil du Trésor ait le pouvoir de superviser tous les aspects de la rémunération, il n'existe pas de service bureaucratique central en mesure d'assurer la gouvernance intégrée des responsabilités connexes. De fait, diverses composantes relèvent de différentes organisations. Par exemple :

Les augmentations des budgets ministériels visant à permettre l'embauche d'employés supplémentaires pour mettre en œuvre une nouvelle politique ou préserver l'intégrité d'un programme sont recommandées par l'un des divers groupes de programme œuvrant au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Les mandats de négociation collective sont établis conjointement par le ministère des Finances et le Bureau du Conseil privé sur avis de la Direction des relations de travail et des opérations de rémunération du Secrétariat du Conseil du Trésor et sont approuvés par le président du Conseil du Trésor. C'est à la Direction des relations de travail et des opérations de rémunération qu'il revient de négocier les conventions collectives sous la surveillance, à des degrés divers, d'autres organismes.

Les régimes de pension et d'avantages sociaux de la fonction publique sont gérés par le Secteur des pensions et des avantages sociaux du Secrétariat du Conseil du Trésor. Les mandats de négociation de modifications éventuelles aux régimes d'avantages sociaux sont normalement recommandés par le secrétaire du Conseil du Trésor en consultation avec le ministère des Finances et approuvés par le président du Conseil du Trésor.

Les services analytiques à l'appui de ces activités relèvent du mandat de plusieurs parties du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Les politiques régissant la classification des postes sont recommandées au Conseil du Trésor par la Direction de la modernisation de la gestion des ressources humaines de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada.

Les politiques de classification et de rémunération visant les cadres de direction de la fonction publique sont gérées par le Réseau du leadership, une direction de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, sur la base des recommandations du Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction, formé de hauts dirigeants du secteur privé.

La plupart des décisions en matière de classification et bon nombre de décisions sur les niveaux d'adaptation relèvent des sous-ministres et sont normalement déléguées aux gestionnaires subalternes.

Comme nous l'avons amplement démontré dans ce rapport, la rémunération dans le secteur public fédéral est un sujet extrêmement complexe. Ses diverses composantes sont intrinsèquement liées. Ce n'est qu'en gérant ce domaine comme un tout que nous pourrons espérer concilier adéquatement les intérêts des contribuables et des employés, tout en répondant efficacement aux besoins opérationnels du gouvernement fédéral pour ce qui est d'attirer, de maintenir en poste et de motiver ses employés.

La meilleure façon d'établir l'approche unifiée souhaitée se prête évidemment à un débat. Entre le milieu de 2002 et la fin de 2003, le Secrétariat du Conseil du Trésor a essayé de promouvoir l'adoption d'une approche commune au moyen d'un Conseil de la rémunération réunissant tous les secrétaires adjoints et tous les autres cadres supérieurs du Conseil du Trésor qui jouent un rôle notable dans le domaine de la rémunération. Cette initiative a permis d'accroître la sensibilisation générale à l'interdépendance des questions de rémunération, mais elle n'est pas parvenue à institutionnaliser une seule et même orientation. En théorie du moins, le secrétaire délégué alors responsable du secteur de la gestion des ressources humaines au Secrétariat du Conseil du Trésor (alors appelé le Bureau de la gestion des ressources humaines) pouvait orienter et harmoniser la plupart des politiques et des divers éléments opérationnels ayant trait à la rémunération[172]. Le secrétaire délégué responsable du Bureau de la gestion des ressources humaines (BGRH) ne jouait cependant aucun rôle dans la formulation des recommandations visant à modifier les budgets salariaux des ministères. Le Conseil du Trésor était évidemment responsable des questions de ressources humaines et de budget, mais on ne pouvait pas vraiment s'attendre à ce que le titulaire de ce poste exceptionnellement exigeant de sous-ministre puisse assurer une approche unifiée à des sujets aussi divers sans le soutien de spécialistes exclusivement affectés à cette tâche.

En raison de la création, en décembre 2003, de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada (AGRHFPC) et des changements connexes apportés à la structure du Secrétariat du Conseil du Trésor, la promotion de l'intégration de la gestion de la rémunération a été retardée. Au départ, c'était la conséquence naturelle du déplacement inévitable des forces vives requis pour mettre en place la nouvelle structure. À plus long terme, la nouvelle structure ne confiait à personne les moyens globaux ni les pouvoirs nécessaires pour planifier et appliquer une approche intégrée en matière de gestion de la rémunération fédérale. En juillet 2004, quand l'AGRHFPC a été intégrée au portefeuille du président du Conseil du Trésor, il est devenu théoriquement possible, mais en pratique impossible, pour ce dernier de mettre en œuvre lui-même une telle approche.

À ce stade, il serait improductif de réorganiser le système de façon à confier à une même entité les responsabilités du Conseil du Trésor en matière de rémunération. Pour l'instant, il faudrait à tout le moins créer un Secrétariat à la planification et à la coordination de la rémunération, doté du mandat clair de conseiller le secrétaire et le président du Conseil du Trésor pour qu'ils puissent exercer, dans une optique globale, leur responsabilité en matière de gestion des questions de rémunération. Ce groupe réunirait et intégrerait les perspectives et la capacité analytique et de planification stratégique de divers organismes centraux, en particulier le Secrétariat du Conseil du Trésor et l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada. Pour que ce nouveau secrétariat soit vraiment efficace, il faudrait qu'il ait l'appui du ministère des Finances et du Bureau du Conseil privé. Un tel appui pourrait se concrétiser si ces organismes détachaient des employés clés auprès du Secrétariat et participaient à l'élaboration de ses orientations et de ses priorités.

Dans une large mesure, la nécessité de créer le Secrétariat proposé est inhérente à nos recommandations antérieures, particulièrement celles ayant trait au Rapport annuel sur la rémunération fédérale et à l'élargissement de la portée de la négociation collective dans la fonction publique fédérale. La création même d'un rapport de synthèse et, encore plus important, la capacité de répondre aux questions qu'il susciterait, exigeront la mise en place d'un organisme faisant autorité pour appuyer les ministres et les cadres supérieurs. Encore plus essentiel, la présentation d'un rapport d'ensemble exigera une planification et une gestion cohérente des sujets sur lesquels le gouvernement fera rapport.

En soulignant que l'analyse et la production de rapports sont au cœur du rôle du Secrétariat à la planification et à la coordination de la rémunération qui est proposé, nous risquons de laisser l'impression erronée que ce travail pourrait être tout simplement assumé par un service existant du Secrétariat du Conseil du Trésor. Ce serait une erreur. Sous l'autorité du secrétaire du Conseil du Trésor, le Secrétariat doit pouvoir fournir, sans crainte, des conseils intégrés sur la cohérence du domaine de la rémunération et sur une stratégie coordonnée à mettre en œuvre. Ainsi, le Secrétariat ne devrait assumer la responsabilité d'aucune des pièces du casse-tête, mais il lui reviendrait spécifiquement de donner des conseils de portée générale.

En plus de réunir des appuis pour la mise sur pied du Secrétariat à la planification et à la coordination de la rémunération proposé, il serait bon que le secrétaire du Conseil du Trésor crée un Conseil de la rémunération, formé de sous-ministres, dont ceux qui assument des responsabilités importantes ou qui ont acquis beaucoup d'expérience dans ce domaine, avec qui il pourrait discuter des principaux enjeux liés à la rémunération. La combinaison d'un service analytique stratégique central et d'un conseil consultatif de sous-ministres, en appui au mandat général du président du Conseil du Trésor et en définitive du Conseil du Trésor lui-même, constitue le meilleur moyen d'assurer la mise en place d'un régime de gouvernance de la rémunération efficace et cohérent au sein du secteur public fédéral.

Dans ce domaine, nous recommandons donc ce qui suit :

Recommandation 8

8.1 Le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait créer un Secrétariat de la planification et de la coordination de la rémunération ayant le mandat et la capacité d'effectuer les analyses nécessaires et de donner des conseils stratégiques au sujet de la gestion globale de la rémunération dans le secteur public fédéral. Ce Secrétariat devrait relever directement du secrétaire. Il devrait être dirigé par un secrétaire adjoint et comprendre des employés clés détachés de tous les organismes centraux jouant un rôle dans la gestion de la rémunération fédérale (les directions compétentes du Secrétariat du Conseil du Trésor, l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique, le ministère des Finances et le Bureau du Conseil privé) afin de faciliter la communication entre les différents acteurs. Toutefois, le Secrétariat ne devrait lui‑même être responsable d'aucun des éléments importants de la gestion de la rémunération, de manière à pouvoir conserver une vision d'ensemble claire.

8.2 Le nouveau Secrétariat de la rémunération devrait être chargé de produire le Rapport annuel sur la rémunération fédérale proposé dans la recommandation 1 et le rapport sur les indicateurs de la politique de rémunération proposé dans la recommandation 4 aux fins d'inclusion dans le Rapport sur les plans et les priorités du Secrétariat du Conseil du Trésor, en utilisant les données et les compétences analytiques disponibles dans les divers secteurs du portefeuille du Conseil du Trésor et ailleurs.

8.3 Pour compléter et diriger le travail du Secrétariat de la rémunération, le secrétaire du Conseil du Trésor devrait présider un Conseil de la rémunération, au niveau des sous-ministres, composé des plus hauts représentants des secteurs de la fonction publique fédérale ayant des responsabilités importantes dans le domaine de la rémunération. Le Conseil donnerait son avis sur le plan de travail et les produits importants du Secrétariat de la rémunération.

Employeurs distincts et gestion de la rémunération

Nous devons indiquer clairement quelle place les employeurs distincts doivent occuper dans un régime efficace de gestion de la rémunération du secteur public fédéral. L'expression « employeurs distincts » est utilisée dans le présent rapport pour désigner les organisations énumérées à la partie II de l'annexe 1 de la Loi sur la gestion des finances publiques. La plupart de ces employeurs ont peu d'employés et gèrent eux-mêmes leur rémunération depuis longtemps, sous réserve de l'application des directives concernant les mandats de négociation et l'approbation de leurs conventions collectives par le Conseil du Trésor. Trois gros employeurs distincts ont été créés à la fin des années 1990 : l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), l'Agence Parcs Canada (APC) et l'énorme Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). L'ADRC a été dispensée par la loi de faire approuver ses mandats de négociation et ses conventions par le Conseil du Trésor mais elle doit consulter le Secrétariat du Conseil du Trésor.

La création de ces nouvelles agences durant la dernière décennie soulève deux questions pour le présent examen. Premièrement, quel effet leur création a‑t‑elle eu sur la rémunération dans le secteur public fédéral et, deuxièmement, quels liens devrait-il y avoir entre les employeurs distincts et le régime de gestion de la rémunération recommandé dans le présent chapitre?

En ce qui concerne la première question, notre expérience demeure limitée à ce jour. Des données indiquent cependant que les négociations collectives distinctes pour l'ADRC et le noyau de la fonction publique (dont le Conseil du Trésor est l'employeur) ont donné lieu à une certaine escalade des niveaux de salaire. Ce résultat peut être difficile à éviter dans les circonstances : recours à des structures de groupes professionnels presque identiques à l'ADRC et dans le noyau de la fonction publique, représentation du personnel syndiqué de l'ADRC par les deux principaux syndicats accrédités pour négocier au nom de 80 % du noyau de la fonction publique, différences notables entre l'importance de certains groupes d'employés à l'ADRC et dans le noyau de la fonction publique, et différences entre la période et la durée d'application des conventions collectives des deux employeurs.

La création d'employeurs distincts peut facilement se justifier. Lorsqu'un important groupe d'employés travaille pour un organisme ayant un mandat bien précis, il est tout indiqué de concevoir des politiques et des pratiques de gestion des ressources humaines qui facilitent l'atteinte des objectifs opérationnels de l'organisme. La rémunération représente un élément central de toute stratégie de ce genre. Payer davantage le personnel essentiel à la mission de l'organisme, concevoir des structures de groupes professionnels réunissant les personnes qui font un travail semblable et classifier le travail en fonction de la valeur qu'il revêt pour l'organisme (tout en respectant le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale peut avoir des répercussions extrêmement positives sur le rendement de l'organisme. Mener des négociations collectives dans le contexte d'une organisation ayant un mandat relativement clair et une structure de groupes professionnels correspondant à la nature de son effectif est la meilleure façon de relier la rémunération à des règles de travail et à la productivité, comme en témoignent les meilleures relations patronales-syndicales dans le secteur privé.

Mais à l'heure actuelle, le secteur public fédéral se retrouve peut-être en position désavantageuse entre deux approches raisonnables. L'une consiste à établir une distinction entre les régimes de ressources humaines et de rémunération afin d'optimiser le rendement de l'organisation et l'autre à conserver un ensemble unifié de politiques sur les ressources humaines et de régimes de rémunération afin de contrôler les coûts et d'assurer une égalité approximative des conditions, du moins en apparence, pour des missions et des milieux de travail différents.

À la fin des années 1990, le gouvernement fédéral s'est engagé résolument sur la première voie, mais il a trouvé difficile d'apporter aux structures de groupes professionnels les changements qui auraient permis à ces organismes de vraiment tirer parti de régimes distincts de gestion des ressources humaines. Ces difficultés étaient en partie attribuables à des causes externes, par exemple l'opposition des syndicats de la fonction publique et l'apparente réticence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique à appuyer des changements structurels. Sur le plan interne, l'inertie des structures et des pratiques établies s'est avérée difficile à surmonter. En outre, le fait que l'on s'affairait alors à préparer le terrain pour l'adoption de normes de classification générales pour tous les employés du noyau de la fonction publique peut avoir masqué l'importance de régler la question de la structure des groupes professionnels.

La persistance des structures de groupes professionnels héritées du noyau de la fonction publique a rendu inévitables les tendances à l'escalade dans la mesure où l'un ou l'autre gros employeur (l'ADRC ou le Conseil du Trésor) a accordé beaucoup plus d'importance que l'autre à un groupe donné d'employés. Ainsi, lorsque l'ADRC a dû accroître la rémunération des vérificateurs afin de pouvoir les attirer et de conserver un ensemble de compétences essentielles, elle a aussi augmenté notamment la rémunération du groupe Achats (PG), dont les membres étaient très peu nombreux à l'ADRC mais qui, pour des raisons historiques, faisaient partie du même groupe professionnel que les vérificateurs. Au sein du noyau de la fonction publique, il y avait peu de vérificateurs mais un nombre relativement élevé d'agents des achats, ce qui a engendré des pressions injustifiées en faveur d'une hausse des salaires. On a réussi à résister à ces pressions dans le cadre des négociations directes, mais il était à prévoir que peu d'arbitres maintiendraient une telle différence au sein d'un groupe de négociation. En fait, en 2005, un arbitre a accordé au groupe AV, qui comprend les vérificateurs et les agents des achats, un nouvel échelon salarial en plus des augmentations économiques courantes.

Il y a deux façons de procéder pour la deuxième question, qui a trait aux liens qui devraient exister entre les employeurs distincts et le régime de gestion de la rémunération recommandé dans le présent rapport : aller résolument de l'avant avec le modèle de l'employeur distinct pour les organismes ayant une taille et une orientation appropriées, ou adopter une approche coordonnée de la négociation pour les employeurs distincts existants. L'une ou l'autre méthode devraient atténuer les tendances à l'escalade injustifiée des salaires entre les organismes.

La première façon de procéder consisterait à créer plusieurs nouveaux employeurs distincts et à accorder une attention concertée, y compris l'adoption de mesures législatives au besoin, à la conception de structures de groupes professionnels et d'unités de négociation répondant aux besoins opérationnels de chaque organisme. Il serait logique que les organismes suivants, entre autres, deviennent des employeurs distincts :

  • l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC);
  • l'agence Service Canada (ASC);
  • Service correctionnel Canada (SCC);
  • Statistique Canada (SC).

Parmi les autres possibilités, il y aurait Affaires étrangères Canada (AÉC) et le ministère remanié de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC).

Chacune de ces organisations compte des milliers d'employés et a un mandat bien défini, à la réalisation duquel pourraient contribuer des pratiques de gestion des ressources humaines et de la rémunération conçues spécialement pour favoriser un bon rendement dans leurs secteurs d'activité particuliers.

La taille relative est un élément crucial à prendre en considération au moment d'établir des règles du jeu concurrentielles pour la négociation collective. Actuellement, le noyau de la fonction publique compte plus de 180 000 employés, l'Agence du revenu du Canada[173] emploie quelque 40 000 travailleurs, trois organismes ont un effectif d'à peu près 5 000 employés et il y a plus d'une douzaine de petits employeurs distincts. Si l'on créait les quatre organismes proposés ci‑dessus, ils compteraient environ 12 000 employés (ASFC), 22 000 employés (ASC), 14 000 employés (SCC) et 5 000 (SC). Le noyau de la fonction publique ne compterait plus alors qu'environ 130 000 employés.

Un plus grand nombre d'employeurs distincts de taille importante créerait un contexte plus compétitif pour la négociation collective dans le secteur public fédéral. Si, en plus, les groupes professionnels et les agents négociateurs étaient adaptés aux besoins de chaque organisme, nous pourrions nous attendre à ce qu'un effet d'escalade ne se manifeste qu'en cas de véritable pénurie de compétences touchant plusieurs organismes. On pourrait aussi s'attendre à ce que les organismes du secteur public fédéral ressemblent davantage aux employeurs de l'ensemble du marché du travail, où une pénurie générale (surabondance) fait augmenter (baisser) les coûts de main‑d'oeuvre pour tous, mais où différents employeurs paient habituellement plus ou moins pour diverses compétences, selon l'importance qu'elles revêtent pour leur mission.

Pour accroître le nombre d'employeurs distincts, il faudrait que le Conseil du Trésor soit mieux en mesure de déterminer le niveau approprié de ressources de fonctionnement à affecter à ces organisations. Un des dangers à atténuer est l'émergence de pressions à la hausse sur les salaires, attribuables simplement à la capacité disproportionnée que pourraient avoir une ou plusieurs organisations d'engager des dépenses salariales.

Ces dernières années, il est devenu évident que le gouvernement fédéral était moins enclin à créer de nouveaux employeurs distincts. On semble juger préférable de conserver un noyau de la fonction publique plus important, ce qui facilite la mobilité. On craint peut-être aussi que la discipline budgétaire préconisée se révèle difficile à maintenir.

Cela étant dit, la deuxième façon de procéder préférable au statu quo consisterait, pour l'employeur, à passer à des négociations coordonnées avec les groupes professionnels qui sont importants tant pour l'ADRC que pour le noyau de la fonction publique. L'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) semble vouloir adopter elle aussi une telle approche. Ainsi, lors des négociations conclues à la fin de 2004, toutes les unités de négociation de l'AFPC en étaient arrivées à l'étape de l'acquisition du droit de faire la grève en quelques semaines. Cela visait probablement à exercer une pression maximale sur le gouvernement fédéral. En effet, en 2004, les employeurs du gouvernement ont coordonné leurs négociations plus étroitement qu'ils ne l'avaient jamais fait depuis la création de l'ADRC, de l'ACIA et de l'APC en tant qu'employeurs distincts.

Une approche de type « conseil du patronat » pourrait prendre diverses formes. Elle pourrait se limiter à une coordination non officielle ressemblant beaucoup à celle de 2004. Ou, les parties syndicale et patronale pourraient avoir recours à des équipes de négociation commune pour les unités de négociation représentant les mêmes groupes professionnels. Dans l'un et l'autre cas, on chercherait à réduire la probabilité que des accidents touchant le moment et le processus de la négociation collective incitent le gouvernement fédéral à faire passer les salaires à des niveaux non raisonnables soit par rapport au marché du travail externe, soit pour signaler que le groupe n'a pas la même importance pour des employeurs distincts.

Une approche coordonnée ne doit pas nécessairement avoir des répercussions uniformes sur les salaires et les conditions de travail. Le recours à des négociations à deux niveaux permettrait aux employeurs distincts fédéraux d'exécuter ensemble les tâches qui se partagent le plus facilement, comme la négociation des niveaux de salaire globaux, tout en s'occupant individuellement de la négociation des éléments des conventions collectives propres à leur situation.

En ce qui concerne cette deuxième façon de procéder, nous devons reconnaître qu'une approche coordonnée des négociations ne serait nécessaire que si les structures de groupes professionnels des divers employeurs pouvaient être adaptées à leurs besoins opérationnels. Si différentes structures de groupes professionnels étaient en place, il y aurait moins de possibilités de comparaison directe entre les employeurs (entre des groupes pouvant s'équivaloir plus en théorie que du point de vue du travail réellement effectué) et, partant, plus d'occasions de négocier des salaires et des conditions de travail correspondant à la situation de chaque employeur. Nous insistons plus loin sur la nécessité pour le noyau de la fonction publique (dont le Conseil du Trésor est l'employeur) de moderniser sa structure de groupes professionnels. Il est encore plus important pour les employeurs distincts de régler cette question. Même s'ils ont apporté certains changements à leurs structures[174], celles-ci ressemblent plus ou moins aux structures que leur a léguées le noyau de la fonction publique plutôt qu'à des structures conçues expressément pour répondre à leurs besoins opérationnels.

En résumé, nous recommandons donc de régler la question de la façon dont les employeurs distincts devraient gérer la rémunération à la lumière des propositions qui figurent dans le présent rapport, de la manière suivante :

Recommandation 9

9.1 Le gouvernement fédéral devrait envisager de créer d'autres employeurs distincts afin d'améliorer le rendement organisationnel en faisant correspondre les pratiques de gestion des ressources humaines, notamment la rémunération, aux besoins opérationnels de chaque employeur. Les critères applicables à la création d'employeurs distincts comprendraient un effectif d'au moins 5 000 employés et un mandat opérationnel bien défini. L'Agence des services frontaliers du Canada, Service Canada, Service correctionnel Canada et Statistique Canada sont des exemples possibles.

9.2 Dans l'intervalle, ou si le gouvernement décidait de ne pas créer d'autres employeurs distincts, le noyau de la fonction publique et les principaux employeurs distincts devraient avoir recours à une formule de négociation coordonnée avec les syndicats de la fonction publique afin de réduire le risque d'un effet d'escalade donnant lieu à des hausses salariales au sein du secteur public fédéral. La négociation à deux paliers pourrait être employée pour traiter séparément des niveaux de salaire globaux et des éléments de la rémunération propres à un employeur particulier.

9.3 Les employeurs distincts fédéraux devraient tenter de nouveau d'établir une structure de groupes professionnels adaptée à leur mission particulière.

Les recommandations 5 à 9 concernent la façon de renforcer la discipline qui s'applique à la gestion de la rémunération du secteur public fédéral. En assurant une transparence et une responsabilisation accrues ainsi qu'une gestion plus cohérente de la part de l'employeur, nous aurons pris les mesures les plus déterminantes pour faire en sorte que tout le domaine des dépenses liées à la rémunération serve bien les intérêts tant des contribuables que des employés. Il conviendrait cependant d'accorder une attention particulière à plusieurs questions importantes afin d'améliorer notre façon de gérer la rémunération dans le secteur public fédéral. Nous résumons les recommandations appropriées concernant ces questions dans les deux chapitres suivants.