Une vocation spéciale : valeurs, éthique et professionnalisme de la fonction publique

Par Kenneth Kernaghan
Brock University

Collection fonction publique – Études et découvertes

Table des matières

Introduction

Le gouvernement du Canada a adopté en 2003 le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique. Le Code énonce les valeurs fondamentales qui constituent l'essence de la fonction publique professionnelle du Canada. L'adoption du Code fut une étape charnière dans l'épopée canadienne vers une fonction publique axée sur les valeurs et l'éthique. Comme dans tout long voyage, il convient de prendre le temps de réfléchir au chemin parcouru et aux leçons qui peuvent nous guider dans nos prochaines étapes. Dans chaque partie de la présente étude, nous examinons une série d'événements déterminants survenus entre plusieurs grands tournants de l'évolution du régime de valeurs et d'éthique du Canada. Le thème du défi et de l'intervention — les défis soulevés par les questions nouvelles et perpétuelles entourant les valeurs et l'éthique et les interventions du gouvernement pour relever ces défis — représente le fil qui unit ces parties. C'est l'histoire d'un accroissement incessant de la portée et de la complexité des questions de valeurs et d'éthique; c'est aussi l'histoire de la mise en place de solides fondements sur lesquels appuyer une fonction publique professionnelle vouée à l'intérêt public.

L'histoire débute par l'examen des questions de valeurs et d'éthique au cours de la période antérieure à la Confédération du Canada (1763-1866). La deuxième partie nous amène de la Confédération à la Loi sur le service civil de 1918, et la troisième se termine par la publication en 1964 de la lettre du premier ministre Pearson sur les conflits d'intérêts. Vient ensuite dans la quatrième partie un examen des événements ayant donné lieu en 1984 au rapport du Groupe de travail sur les conflits d'intérêts, du gouvernement fédéral. La cinquième partie se termine par un examen du rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l'éthique dans lafonction publique, de 1996. La sixième partie porte essentiellement sur les liens entre ce rapport et l'adoption en 2003 du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique. Dans la septième partie, nous évaluons les progrès continus du régime de valeurs et d'éthique du gouvernement et, de façon plus générale, la fonction publique professionnelle du Canada. Enfin, dans la dernière partie, nous reprenons les principaux thèmes de l'étude et jetons un regard sur l'avenir.

Il est essentiel de définir quelques termes clés. Valeurs s'entend des croyances bien ancrées qui déterminent les choix que nous effectuons parmi l'éventail des fins et des moyens à notre disposition. Les règles sont des énoncés au sujet d'actes précis qui sont soit permis, soit interdits. Le terme éthique désigne les principes ou les normes de la bonne conduite. Comme nous l'expliquons plus loin, l'importance relative des valeurs, comparativement aux règles, s'est sensiblement accrue depuis le milieu des années 1980, mais il y a une dimension cyclique à leur relation. Il y a eu aussi dans la collectivité de l'administration publique du Canada une acceptation générale d'une classification des valeurs en quatre catégories : les valeurs démocratiques, professionnelles, liées à l'éthique et liées aux personnes. Bien que tout au long de l'étude nous fassions mention de valeurs, il convient de noter qu'il n'y a guère eu d'utilisation explicite de ce concept à des fins analytiques avant le milieu des années 1970 et c'est seulement depuis le milieu des années 1980 qu'on fait largement mention de gestion des valeurs comme moyen de promouvoir et de maintenir une fonction publique professionnelle.Note de bas de page 1

1. La fonction publique et le gouvernement responsable (1840–1867)

La principale pierre angulaire de l'édifice de la démocratie parlementaire du Canada fut l'adoption en 1848 d'un gouvernement responsable pour ce qui était alors la Province unie du Canada. Selon le principe d'un gouvernement responsable, le premier ministre et le Cabinet doivent avoir l'appui d'une majorité de députés à la Chambre des communes. Ce principe sous-tend la convention constitutionnelle de la responsabilité ministérielle collective, qui exige la démission du premier ministre et du Cabinet s'ils perdent la « confiance » de la Chambre. Une convention constitutionnelle qui lui est étroitement liée est celle de la responsabilité ministérielle individuelle — un concept complexe qui exige des différents membres du Cabinet qu'ils remettent leur démission dans certaines circonstances et qui prescrit des relations appropriées entre les ministres, les parlementaires, les fonctionnaires et le public.

Au cours des années 1841 à 1866, alors que la Province était dirigée par un gouverneur de colonie, « la création du 'haut commandement' et la rationalisation du système ministériel ont permis l'augmentation progressive de la responsabilité individuelle et collective des membres du Cabinet […]Note de bas de page 2  ». À cette époque aussi il y avait des signes de l'éternel défi consistant à assurer l'équilibre entre le pouvoir et la responsabilité des ministres et des fonctionnaires. Le fait que le mandat de la plupart des ministres était trop bref pour leur permettre de maîtriser le travail de leur ministère a renforcé la position de leurs hauts fonctionnaires. « Les  subalternes des ministres […] pouvaient se reposer sur leurs lauriers […] ou pouvaient se hisser dans des positions de force ou d'influence que même les chefs politiques les plus influents n'auraient pas osé attaquer.Note de bas de page 3 »

La convention de la responsabilité ministérielle individuelle est maintenant étroitement liée à la convention de la neutralité politique qui enjoint aux fonctionnaires d'éviter les activités susceptibles de porter atteinte, ou de sembler porter atteinte, à leur impartialité politique ou à l'impartialité politique de la fonction publique. « De toute évidence, il existait une convention de neutralité politique à l'époque de la Confédération [1867][… ] » et la neutralité politique « est un précepte nécessaire et fondamental de la Constitution canadienne, inspiré de la Constitution du Royaume-UniNote de bas de page 4 ». L'impartialité politique est généralement perçue non seulement comme une convention constitutionnelle importante mais également comme une valeur centrale de la fonction publique.

Le favoritisme politique, c'est-à-dire la nomination de personnes à la fonction publique selon leurs contributions à un parti politique plutôt que leur mérite, met constamment en question la neutralité politique réelle ou perçue des fonctionnaires. À l'époque du gouvernement responsable, le Canada avait déjà connu près d'un siècle de favoritisme remontant à 1763, lorsque les Britanniques ont pris possession de la colonie française d'Amérique du Nord. En 1850, « la partisanerie s'était répandue partout au Canada, dans les grandes questions de l'État comme dans le soutien public à des projets commerciaux privés et jusque dans les plus petites affaires d'intérêt strictement localNote de bas de page 5 ». Le recours au favoritisme à des fins partisanes était souvent associé à la corruption sous toutes ses formes, dans laquelle étaient impliqués des politiciens et des fonctionnaires. Parallèlement, on y retrouvait les signes du dévouement désintéressé aujourd'hui associé à la fonction publique professionnelle. Même si « des hommes malhonnêtes, intéressés par le butin personnel plutôt que par la fonction publique, occupaient parfois […] des postes de confiance, […] le gouvernement était également capable d'obtenir les services de fonctionnaires dévoués, dont certains aux compétences administratives exceptionnelles ayant une vision optimiste de la grandeur possible du CanadaNote de bas de page 6 ». La Loi sur le service civil de 1857 a reconnu le sous-ministre comme un fonctionnaire permanent au service du ministre de chaque ministère à titre de chef de son administration. La Loi a également créé une commission d'examen qui administrait de simples examens d'admission et qui fut l'ancêtre de la Commission du service civil créée 40 ans plus tard.

Il est remarquable que le favoritisme ait été utilisé en partie pour attirer des membres de la classe moyenne professionnelle dans des postes de la fonction publiqueNote de bas de page 7. Contrairement à ce qui était le cas dans le système des dépouilles aux États-Unis, la plupart des hauts fonctionnaires du Canada étaient nommés pour des motifs partisans, mais ils n'étaient habituellement pas destitués au changement de gouvernement. Cette inamovibilité en pleine période de favoritisme endémique a contribué à favoriser à l'époque la compétence et la stabilité qui sont caractéristiques d'une fonction publique professionnelle. Les mesures adoptées au cours de cette période pour interdire aux fonctionnaires de siéger comme députésNote de bas de page 8 et de voterNote de bas de page 9 ont été prolongées à la période postérieure à la Confédération.

Au cours de ces années, les défis soulevés par le favoritisme et la corruption ont fait en sorte que les principales valeurs de la fonction publique en jeu étaient la neutralité et l'intégrité. On commençait toutefois à se préoccuper devant la nécessité d'accroître l'efficacité, et les fondements d'une fonction publique professionnelle ont commencé à être jetés.

2. En quête d'une fonction publique efficace et impartiale (1867–1918)

Au cours de cette période, on a réalisé les progrès les plus importants dans le domaine des valeurs et de l'éthique, dans le contexte plus vaste de la Confédération canadienne, la création de l'appareil administratif du payset la poursuite des malversations. Le document constitutionnel fondateur — l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de1867 — prévoyait une constitution « semblable en principe à celle du Royaume-Uni », soit une démocratie parlementaire fondée sur le modèle de Westminster. La nouvelle union fédérale aadopté une grande partie de la structure administrative du Canada-Uni. Les organismes centraux (Bureau du Conseil privé, ministère des Finances et Conseil du Trésor) qui ont toujours été d'importants acteurs de la conception du régime de valeurs et d'éthique du gouvernement ont des antécédents qui remontent à la période antérieure à la Confédération.

Tout au long de l'histoire canadienne, la fonction publique professionnelle a évolué dans un milieu de scandales politiques sporadiques. Au cours de la période postérieure à la Confédération jusqu'en 1918, John A. MacDonald, le premier à occuper le poste de premier ministre du Canada, a été forcé de démissionner suite au Scandale du Pacifique de 1873 tandis que l'administration de son successeur, Wilfrid Laurier (1896–1911), a essuyé le contrecoup de plusieurs scandales politiques.

Les anciennes colonies britanniques d'Amérique du Nord s'étant jointes à la Confédération avaient toutes une histoire de favoritisme répandu. Il n'est donc pas étonnant que cette pratique se soit poursuivie durant la période postérieure àla Confédération. En fait, le favoritisme aété le problème le plus en vue de la fonction publique durant les cinquante premières années d'existence du Canada. Le problème a fait l'objet de non moins de six enquêtes sur la fonction publique de 1868 à 1913. Comme à l'époque antérieure à la Confédération, les abus du favoritisme se sont accompagnés d'autres types de corruption, en particulier les conflits d'intérêts (l'exploitation d'une charge publique à des fins de gain privé). La Commission royale sur le service civil de 1891-1892 a été créée en grande partie enraison de la divulgation par un comité parlementaire de l'implication de fonctionnaires dans des activités de corruption. « Certains fonctionnaires s'étaient rendus coupables de graves abus de confiance, d'autres avaient altéré les comptes ou accepté des pots-de-vin, le gouvernement avait été délesté de biens qu'il avait achetés en raison de fraudes commises par des fonctionnaires corrompus; des commis faisant du travail supplémentaire l'avaient crédité à des subalternes imaginaires puis encaissé les chèques de paye; des salaires avaient été touchés par des commis absents […]Note de bas de page 10 ». La commission a fait porter ses recommandations sur le favoritisme, mais pas sur les conflits d'intérêts.

Certains politiciens ont fait valoir l'attrait d'une fonction publique professionnelle et impartiale. George Elliot Casey, qui a présidé le comité parlementaire de 1877 sur le service civil, a fait la mise en garde suivante : « Quelque excellent que pourrait être le gouvernement du jour ou quelque sages que seraient ses actes administratifs, ilsseraient gâtés par les fautes du service civilNote de bas de page 11  ». Casey a également attiré l'attention dès cette époque sur la nécessité pour les fonctionnaires d'avoir une liberté de décision en matière administrative : « Nous parlons tous avec horreur d'un gouvernement par la 'bureaucratie' maisnous oublions que nous ne pouvons jamais nous débarrasser complètement de son influence. Chaque fonctionnaire doit avoir une certaine liberté d'action dans l'interprétation et l'exercice de ses fonctions, un certain pouvoir d'entraver, de faciliter ou de prévenir l'application des lois dont l'exécution lui incombe.Note de bas de page 12 » Le comité restreint a cependant fait remarquer que « [c]omme principe général, les nominations, les promotions et la gestion complète du service devraient être séparéesle plus possible des considérations politiques. Le service devrait être vu simplement comme une organisation s'occupant des affaires publiques et non comme un moyen de récompenser des amis politiques personnels. Il faudrait tenter d'en faire une profession […]Note de bas de page 13 ».

Une enquête judiciaire sur des allégations de corruption au ministère de la Marine et des Pêcheries a donné lieu à l'adoption de mesures disciplinaires en 1908 contre des hauts fonctionnaires, et notamment à la démission du sous-ministre. En 1908 également, la Commission royale sur le service civil (la Commission Courtney) recommandait l'élimination du favoritisme politique dans la fonction publique, la dotation en fonction du mérite et la création d'une Commission du service civil. Le gouvernement est finalement intervenu devant l'éternel défi du favoritisme en adoptant la Loi sur le service civil de 1908, qui créait une Commission du service civil chargée de promouvoir une fonction publique où faire carrière (pour l'administration centrale — les postes de la région d'Ottawa), et où les nominations se feraient en fonction du mérite, déterminé par concours. Compte tenu de l'importance de la représentativité dans la fonction publique contemporaine du Canada, il est remarquable que la Commission du service civil à cette époque n'ait pas inclus le français comme compétence pour les nominations ou les promotions.

Une résurgence du favoritisme au cours de la Première Guerre mondiale a donné lieu à l'adoption de mesures rigoureuses dans la Loi sur le service civil de 1918 (telle que modifiée en 1919) pour éradiquer le favoritisme de l'ensemble de la fonction publique et par conséquent favoriser l'efficacité dans une fonction publique impartiale. Cette loi s'est révélée un tournant décisif dans l'évolution de la neutralité politique au Canada, en partie enimposant des contraintes strictes aux activités politiques partisanes des fonctionnaires. Il fut interdit aux fonctionnaires de participer à un travail partisan lié à une élection fédérale ou provinciale et de faire une contribution en argent à des partis politiques, de recevoir de l'argent de ceux-ci ou de se livrer à toute autre activité financière pour ceux-ci.

Ainsi, même si les problèmes de favoritisme et de corruption ont persisté pendant 50ans après la Confédération, le gouvernement a enfin pris des mesures rigoureuses pour promouvoir les valeurs que sont la neutralité, l'intégrité et l'efficacité. Des progrès considérables ont également été réalisés vers la création d'une fonction publique comme institution impartiale répondant aux besoins individuels et collectifs des ministres.

3. L'avènement de l'État administratif (1919–1964)

La deuxième moitié du premier siècle du Canada fut marquée par plusieurs événements importants dans l'évolution de la fonction publique professionnelle du pays. L'événement majeur fut l'avènement de l'« État administratif », caractérisé par un taux de croissance accéléré de la taille, de la complexité et de l'influence de la fonction publique. C'était également la période de la « génération des mandarins ». Ces mandarins, comme on les appelait, étaient un groupe de hauts fonctionnaires Note de bas de page 14. L'influence des mandarins était assortie d'un dévouement envers la fonction publique s'appuyant sur un sens aigu de la responsabilité personnelle.

La Loi sur la pension du service civil de 1924 arenforcé le concept d'une fonction publique où l'on fait carrière en offrant une pension aux employés du gouvernement — une initiative recommandée par toutes les commissions d'enquête ayant fait rapport au cours de la période précédente. Sir George Murray, qui avait fait rapport sur l'organisation du service civil en 1912, était d'avis qu'un régime de pension était absolument essentiel à une fonction publique de qualitéNote de bas de page 15. La Commission du service civil soutenait qu'un système de pensions était dans l'intérêt public parce qu'il enlevait « au gouvernement le fardeau et l'odieux de retenir dans ses rangs des employés qui n'étaient plus utiles », permettait « d'empêcher les employés efficaces de quitter le service public pour accepter un emploi dans le secteur privé », contribuait à « attirer de meilleurs candidats » et, en général, « de promouvoir l'efficience à tous les égardsNote de bas de page 16 ».

Le Bureau du contrôleur du Trésor, créé par la Loi du revenu consolidé et de la vérification de 1931, a sauvegardé deux principes fondamentaux de la démocratie parlementaire du Canada, à savoir que le gouvernement ne doit pas dépenser de fonds sans l'autorisation du Parlement et qu'il doit utiliser les fonds uniquement aux fins autorisées par le Parlement. Un autre instrument de contrôle financier — le Conseil du Trésor, créé comme comité du Cabinet en 1869 — a commencé au début des années 1930 à exercer un plus grand contrôle des dépenses gouvernementales. Les mesures de réduction des dépenses de W.C. Ronson, le secrétaire du Conseil à cette époque, lui ont valu le surnom d'« abominable homme du non ». La Loi sur l'administration financière de 1951, qui remplaçait la Loi de 1931, a conféré au Conseil du Trésor le pouvoir de prendre des décisions sur une vaste gamme de questions relatives aux ressources financières et humaines, et notamment d'approuver les contrats. Une grande partie de ce pouvoir a été délégué à des fonctionnaires, relevant ainsi les ministres du Conseil, déjàsurchargés, de la lourde responsabilité de travaux administratifs fastidieux. L'augmentation subséquente de lataille et de la complexité du gouvernement s'est accompagnée d'un accroissement important et constant du nombre de contrats attribués sous l'autorité des fonctionnaires. Il n'est pas étonnant que des irrégularités, doublées parfois de conflits d'intérêts, se soient produites dans un petit pourcentage de ces contrats. Le défi continu que soulève pour les fonctionnaires l'exercice du pouvoir de passation de marchés, en particulier dans leurs relations avec les politiciens, s'est manifesté 50 ans plus tard dans les scandales de Développement des ressources humaines Canada (DRHC) et des commandites, dont il sera question plus loin dans le présent document.

La décision du gouvernement, en 1940, deconfier au greffier du Conseil privé (nommé pour la première fois en 1867) le rôle additionnel de secrétaire du Cabinet aconstitué un événement favorable dans l'évolution de la fonction publique professionnelle du Canada. Le titulaire decette charge devenait de facto chef de la fonction publique — ayant ainsi « préséance à titre de premier fonctionnaire de la fonction publiqueNote de bas de page 17 ». Le greffier, en tant que charnière entre les ministres et les fonctionnaires, joue un rôle de leader essentiel dans la définition de la position constitutionnelle de la fonction publique et des valeurs de la fonction publique. Les greffiers subséquents n'ont pas accordé la même priorité à ce rôle mais leur défense des valeurs de la fonction publique a pris de l'ampleur depuis 1992, lorsque le titre de chef de la fonction publique fut ajouté à leurs titres officiels. Parallèlement, ils furent tenus de présenter un rapport annuel au premier ministre sur l'état de la fonction publique. Dans le premier de ces rapports, Paul Tellier a déclaré que le rapport faisait état « des valeurs et des traditions de la fonction publique » et il a soulevé la nécessité pour la fonction publique d'être guidée par « les valeurs traditionnelles de la fonction publique que sont la conscience professionnelle, l'impartialité et le serviceNote de bas de page 18 ». La mention plus fréquente des valeurs dans les rapports annuels de ses successeurs rendait compte de la pratique dans l'ensemble de la fonction publique. Dans le rapport de 2006, Kevin Lynch soulignait « l'importance, dans la gestion des ressources humaines, des valeurs intrinsèques à la fonction publique » et faisait mention des valeurs particulières « qui doivent être au cœur de la fonction publiqueNote de bas de page 19 ».

Les valeurs que représentent l'efficacité, l'économie et le service étaient au premier plan des réflexions et des recommandations de la Commission royale d'enquête sur l'organisation du gouvernement (Commission Glassco), de 1962. Le point de vue de la Commission, selon lequel la fonction publique devrait fonctionner davantage comme une entreprise, présageait l'importance accordée aux valeurs administratives qui a fait surface aumilieu des années 1980. La commission demandait qu'une plus grande importance soit accordée aux valeurs que sont la représentativité et la réceptivité en faisant remarquer que c'est dans la mesure mêmeoù la fonction publique « sera représentative de la population desservie qu'on aura confiance en elle partout au paysNote de bas de page 20 ». De plus, alors que la commission jugeait grande l'importance des valeurs que sont l'intégrité et l'efficacité, « l'existence d'une fonction publique capable de répondre aux besoins et à l'attente du public est encore plus importanteNote de bas de page 21 ». La commission a également recommandé des réformes qui « laisseraient la gestion aux gestionnaires » en écartant bon nombre des contraintes à la gestion des ressources financières et humaines. Plusieurs de ces contraintes avaient pour origine les efforts antérieurs en vue de réduire au minimum les abus du favoritisme et autres formes decorruption, en particulier les conflits d'intérêts.

Bien que la nécessité de promouvoir laneutralité politique en réduisant le favoritisme ait passablement diminué au cours de cette période, le défi de prévenir et de sanctionner les conflits d'intérêts apris de l'ampleur. Parmi les nombreux types de conflits d'intérêts, le problème del'emploi à l'extérieur de la fonction publique ou du cumul d'emplois a attiré le plus gros de l'attention. En 1925, un règlement du CabinetNote de bas de page 22 a conféré aux sous-ministres le pouvoir de destituer les fonctionnaires qui vendaient des biens oufaisaient du commerce pendant leurs heures de travail. Des règlements subséquentsNote de bas de page 23, de 1931 à 1947, ont progressivement assoupli le régime en ce qui touche l'emploi à l'extérieur de la fonction publique. En 1951, un règlement relativement détaillé stipula que :

  • les employés ne pouvaient occuper unemploi à l'extérieur de la fonction publique qu'avec l'autorisation du Conseil du Trésor;
  • l'emploi à l'extérieur de la fonction publique ne pouvait être de nature telle qu'il entrerait en conflit avec le travail du gouvernement ou serait politiquement partisan;
  • les administrateurs généraux pouvaient limiter ou mettre fin à l'emploi d'un fonctionnaire à l'extérieur de la fonction publique si cet emploi était jugé de nature àempêcher le fonctionnaire de s'acquitter de ses fonctions ou à nuire àson rendement au travail.Note de bas de page 24

Le point de vue selon lequel la participation à des activités politiques partisanes pouvait constituer un conflit d'intérêts annonçait l'important travail de définition de ce concept effectué au cours des décennies subséquentes. Il est remarquable dans ce contexte que la Loi sur le service civil de 1961 ait maintenu des contrôles rigoureux sur la participation à des activités politiques partisanes qui avaient été imposés en 1918.

Un scandale politique connu sous le nom de l'affaire Rivard a éclaté à l'automne 1964. Lucien Rivard était un présumé contrebandier d'héroïne qui, selon les allégations, entretenait des liens étroits avec le Parti libéral. Deux chefs de cabinet de ministres libéraux se seraient livrés à des activités de corruption et d'intimidation pour faire obstacle à l'extradition de Rivard aux États-UnisNote de bas de page 25. L'affaire Rivard, considérée conjointement avec d'autres allégations de pratiques politiques de corruption, a poussé le premier ministre à diffuser ce qui fut appelé plus tard le code d'éthique de M. Pearson. Cette lettre à ses ministres, datée du 30 novembre 1964, soutenait que :

il ne suffit nullement qu'une personne occupant un poste de ministre — ou tout autre poste de responsabilité dans la fonction publique — observe la loi […]. Il lui faut non seulement se conformer à la loi, mais avoir également une conduite si irréprochable qu'elle puisse résister à l'enquête la plus minutieuse. La conduite des affaires publiques doit être inattaquable quant au respect des valeurs morales, à l'objectivité et àl'égalité de traitement.

Il s'agissait de la première d'une série de déclarations de premiers ministres sur les conflits d'intérêts qui allaient être faites au cours des quarante années subséquentes. En outre, la lettre du premier ministre Harper sur le gouvernement responsable adressée à ses ministres ressemble beaucoup à la lettre de M. Pearson, pour ce qui est de la teneur et surtout du messageNote de bas de page 26. La lettre de 1964 poursuivait le processus graduel d'éclaircissement du sens de conflit d'intérêts. Elle mettait en garde contre l'octroi d'un traitement préférentiel par sympathie ou en raison de relations personnelles, le fait de se mettre dans une situation d'obligation envers quiconque pourrait tirer profit d'un traitement particulier ou chercher à obtenir un traitement de faveur, le fait d'avoir un intérêt financier entrant en conflit avec les fonctions officielles ou l'utilisation de renseignements officiels pour en tirer un gain personnel.

O.P Dwivedi et James Iain Gow font remarquer que, de 1918 à la fin des années 1960, la tension entre le gouvernement responsable et une fonction publique où l'on fait carrière « était gérée par un équilibre qui permettait aux ministres d'être responsables de la destinée de leurs ministères mais qui accordait aux fonctionnaires une carrière fondée sur la sélection en fonction du mérite, de la neutralité politique, de l'anonymat, du secret et de la responsabilisationNote de bas de page 27  ». Au milieu des années 1990, la mesure dans laquelle la fonction publique était — ou devrait être — une fonction publique où faire carrière a été remise en question, et de nouvelles tensions relatives aux valeurs ont surgi. Les fonctionnaires étaient mis au défi de concilier l'importance traditionnelle accordée à l'anonymat et au secret (ou à la confidentialité) et les demandes généralisées d'ouverture et de transparence.

4. Des règles d'éthique aux énoncés de valeurs (1965–1984)

De 1965 à 1984, plusieurs événements marquants ont eu d'importantes répercussions à long terme pour la fonction publique professionnelle du Canada et, en particulier, pour son régime de valeurs et d'éthique. En 1967, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a accordé aux fonctionnaires le droit à la négociation collective, y compris le droit de grève, et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique a conféré à de la fonction publique le pouvoir exclusif de nommer etde promouvoir des fonctionnaires en fonction du mérite et de gérer la question de la partisanerie politique. Les contraintes aux activités politiques des fonctionnaires, qui dataient depuis longtemps, ont été assouplies pour que les fonctionnaires puissent faire des contributions financières aux partis politiques et puissent, avec l'autorisation de la Commission de la fonction publique, prendre un congé pour se porter candidat à une charge politique. Au cours de la même année, la Loi sur l'administration financière a été modifiée pour conférer au Conseil du Trésor le pouvoir en matière de gestion des ressources humaines, dont le pouvoir de fixer les conditions d'emploi des fonctionnaires. Le Conseil, aidé par son secrétariat de fonctionnaires, était devenu le directeur général du gouvernement, assumant la responsabilité de la gestion des questions d'ordre éthique qui, à cette époque, portaient principalement sur les conflits d'intérêts. Au cours de ces années également, par suite de l'adoption en 1968 de la Loi sur les langues officielles et d'initiatives découlant de la Commission royale sur la situation de la femme de 1969, la fonction publique est devenue plus représentative des francophones et des femmes.

Dans les années 1970, des préoccupations relatives au manque de responsabilisation à l'égard des dépenses du gouvernement ont mené à l'adoption en 1977 de la Loisur levérificateur général, qui a conféré au vérificateur général le pouvoir de faire rapport sur les mesures gouvernementales visant à promouvoir l'efficience et les concepts traditionnels d'économie et d'efficacité. Le vérificateur général a également commencé à se lancer dans lavérification de « l'optimisation des ressources » (devenue plus tard la vérification «  intégrée »), qui va au-delà despréoccupations d'ordre financier pour s'intéresser à la gestion du rendement des organisations gouvernementales. Cet accroissement de pouvoir a préparé le terrain pour la publication par le vérificateur général de rapports sur les valeurs et l'éthique dans la fonctionpublique.

En 1975, le rapport du vérificateur généralsur les lacunes de la gestion et des contrôles financiers du gouvernement a contribué sensiblement à la création de la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité Note de bas de page 28. La commission étaitdans une large mesure une réponse à l'inquiétude exprimée par le public devant les préoccupations du vérificateur général relatives au manque de responsabilisation du gouvernement en matière de dépense de fonds publics. À la différence de la Commission Glassco au milieu des années 1960, qui voulait laisser la gestion aux gestionnaires, la Commission Lambert a mis l'accent sur l'importance de « faire en sorte » que les gestionnaires gèrent. Sur la question de la responsabilité ministérielle, la commission a déclaré qu'il « ne semble pas y avoir de doute que la mesure dans laquelle un ministre gère et dirige son ministère est aujourd'hui discutableNote de bas de page 29 » et arecommandé que les sous-ministres soient tenus directement responsables devant les comités parlementaires de certaines fonctions particulières. Selon une autre recommandation et afin depréserver l'impartialité de la fonction publique, la Commission de la fonction publique devrait se concentrer sur la protection du principe du mérite plutôt que d'assumer une grande partie de la responsabilité de lagestion du personnel.

Le Comité spécial sur la gestion du personnel et le principe du mérite (le Comité d'Avignon, 1979)Note de bas de page 30 a appuyé cette dernière recommandation et a proposé en outre d'assurer l'équilibre entre le principe du mérite et d'autres « principes » comme l'équité, la réceptivité, l'efficacité et l'efficience. Le comité a également proposé que le gouvernement adopte une « conception de la gestion […] formulée avec précision », définie comme un « clair énoncé des principes qui traduisent les convictions, les valeurs et la manière de voir de ses dirigeants et qui étayent ses méthodes et systèmes de gestionNote de bas de page 31  ». Cet appel en faveur d'un juste équilibre dans les valeurs centrales de la fonction publique et d'un énoncé clair de ces valeurs a reconnu officiellement l'importance d'une fonction publique fondée sur les valeurs — une préoccupation qui a pris toute son ampleur au milieu des années 1980. Cette reconnaissance de l'importance de la gestion des valeurs a suivi la première utilisation desvaleurs en tant que cadre d'analyse pourl'examen des questions touchant la fonction publique et l'interprétation des règlesNote de bas de page 32. On a indiqué que les valeurs dominantes à l'échelle de la fonction publique tout au long de l'histoire canadienne — les valeurs « traditionnelles  » — avaient été l'intégrité, la responsabilisation, la neutralité,  l'efficacité, l'efficience, laréceptivité et la représentativitéNote de bas de page 33.

La Charte canadienne des droits et libertés, de1982, la Loi sur l'accès à l'information, de1983, et la Loi sur la protection des renseignements personnels, de 1983 également, sont d'autres instruments clés ayant façonné le milieu de la gestion desquestions relatives aux valeurs et à l'éthique. La Charte a eu une énorme incidence sur le gouvernement, et notamment sur des questions touchant la fonction publique comme les droits politiques et l'équité en emploi. La Loi sur l'accès à l'information donne aux citoyens accès à un large éventail de renseignements gouvernementaux tandis que la Loi sur la protection des renseignements personnels exige des institutions gouvernementales qu'elles restreignent l'accès aux renseignements qu'elles détiennent sur des particuliers et se conforment à des pratiques équitables en matière d'information.

Au début des années 1970, des incidents répétés de conduite contraire à l'éthique impliquant des fonctionnaires, conjugués àune vaste couverture médiatique de scandales gouvernementaux aux États-Unis et au Royaume-Uni, ont grandement augmenté la demande du public pour des règles d'éthique. La préoccupation à l'égard du comportement des politiciens s'est transformée en préoccupation à l'endroit de la conduite des fonctionnairesNote de bas de page 34. Les Lignes directrices au sujet des conflits d'intérêts touchant les fonctionnaires, publiées le 18décembre 1973Note de bas de page 35, faisaient une mise engarde contre les diverses formes de l'infraction. Puis, le 31 décembre, une circulaire du Conseil du Trésor présentait des Normes de conduite des fonctionnaires fédérauxNote de bas de page 36 et dépassait les conflits d'intérêts pour établir des lignes directrices sur des questions d'éthique comme la discrimination et l'activité politique partisane.

Durant le reste de la décennie, les activités après-mandat ont constitué la principale question relative aux conflits d'intérêts. Lacréation, par deux sous-ministres venant de prendre leur retraite, d'une société de services-conseils offrant son aide aux entreprises souhaitant influencer le gouvernement a suscité de vives inquiétudes dans la population (l'affaire Grandy–Reisman). Les Lignes directrices concernant les activités commerciales des anciens fonctionnaires fédéraux adoptées le 1erjanvier 1978 (puis modifiées le 24avril1978) visaient non seulement les fonctionnaires mais également les ministres et le personnel des cabinets ministériels. Envertu de ces lignes directrices, il était interdit aux « titulaires de charge publique », durant une « période de restriction », d'accepter un poste dans des entreprises avec lesquelles ils avaient entretenu des relations de travail spéciales, de changer de cap sur des questions à l'égard desquelles ils assumaient la responsabilité pendant qu'ils étaient au gouvernement ou d'exercer despressions sur des ministères où ils avaienttravaillé.

Les Lignes directrices concernant les conflits d'intérêts à l'intention des ministres de la Couronne ont été révisées par le premier ministre Clark en 1979 et par le premier ministre Trudeau en 1980. Puis, en 1983, un ancien ministre du gouvernement de M. Trudeau a fait l'objet d'allégations selon lesquelles il aurait enfreint les lignes directrices en exerçant des pressions sur son ancien sous-ministre (l'affaire Gillespie). Les préoccupations qu'afait naître cette affaire dans la population ont incité M.Trudeau à constituer un Groupe detravail sur les conflits d'intérêts le 7juillet 1983. Le mandat et les délibérations du groupe de travail portaient sur les conflits d'intérêts mais dans son rapport de 1984Note de bas de page 37, celui-ci a également fait brièvement mention des activités politiques et des commentaires publics des fonctionnaires.

Dans ce rapport, on soulignait que l'intégrité des titulaires de charge publique au Canada était élevée, qu'aucun gouvernement provincial n'avait de lignes directrices aussi complètes que celles du fédéral et que les lignes directrices étaient plus complètes que celles des autres régimes de gouvernement britanniques d'Australie, de Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni. Le rapport recommandait de remplacer les lignes directrices par un code d'éthique simple et bref, des règles deprocédure pour réduire au minimum les conflits d'intérêts et des codes de procédure et règles supplémentaires pour répondre aux besoins particuliers de différents ministères. Enfin, le groupe de travail proposait la création d'un bureau de l'éthique du secteur public, dirigé par un conseiller en éthique, pour assumer des fonctions consultatives, administratives, éducatives et d'investigation en ce qui concerne les conflits d'intérêts impliquant des titulaires de charge publique.

Plusieurs valeurs de la fonction publique sedisputaient laprimauté au cours de cettepériode. Les questions d'intégrité partageaient la vedette avec les préoccupations relatives à la responsabilisation. Même si la responsabilisation a toujours été une importante valeur de la fonction publique, elle est devenue une préoccupation dominante au milieu des années 1970. Cette notoriété s'explique en partie par l'accroissement de la taille et de la complexité de l'État administratif et lanécessité subséquente pour les fonctionnaires de jouir d'une assez grandeliberté de décision en matière administrative. La réponse du gouvernement aux recommandations de laCommission Lambert fut d'adopter unlarge éventail de mesures de responsabilisation qui imposaient aux fonctionnaires un plus grand nombre de règles dans leurs activités de tous les jours. Il s'agit d'une réponse courante aux préoccupations du public à propos du pouvoir bureaucratique et, particulièrement, de son abus. Comme nous l'expliquons plus loin, l'importance relativement plus grande accordée aux valeurs par rapport aux règles depuis le milieu des années 1980 a fait place à une prépondérance renouvelée des règles par suite de scandales gouvernementaux au tournant du siècle.

Durant la période examinée dans cette partie, soit de 1965 à 1984, on a également accordé une attention accrue à la promotion de la justice et de l'équité en s'assurant que la fonction publique soit plus représentative des groupes historiquement défavorisés que sont les francophones, lesfemmes, les minorités visibles et les personnes handicapées. En outre, on cherchait à créer une fonction publique réceptive non seulement en la rendant plus représentative, mais également en permettant une plus grande participation des citoyens au processus d'élaboration despolitiques. Enfin, la réponse du gouvernement devant le désir croissant dupublic d'accéder à l'information et d'assurer la protection des renseignements personnels a jeté les fondations d'un débatcontinu sur les questions de la confidentialité, de laprotection de la vie privée et de la sécurité.

5. Pleins feux sur les valeurs (1985–1996)

Au cours de cette période, des problèmes répétitifs de conflits d'intérêts ont tourmenté le gouvernement du premier ministre Brian Mulroney pendant les années 1985 à 1992. D'abord, celui-ci a dû formuler la réponse de son gouvernement au rapport du Groupe de travail de 1984 sur les conflits d'intérêts. Bien qu'il n'ait pas accepté les recommandations du rapport, il a adopté en septembre 1985 un ensemble de mesures d'ordre éthique comportant l'adoption d'un nouveau Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, entré en vigueur en janvier 1986. Le Bureau du sous-registraire général adjoint, qui était chargé depuis 1974 de l'administration des règles du gouvernement sur les conflits d'intérêts, a pris à son compte l'administration du code de 1985 et la prestation de conseils aux fonctionnaires sur les questions d'ordre éthique. Une adaptation subséquente du code pour les titulaires de charge publiqueNote de bas de page 38 intégrait des principes qui exposaient le point de vue du gouvernement sur ce qui constituait à cette époque un conflit d'intérêts. Ensuite, le gouvernement Mulroney a dû faire face non seulement à une longue série d'allégations de conflits d'intérêts visant des membres de son Cabinet, mais également à des accusations de nominations partisanes inappropriéesNote de bas de page 39. Jean Chrétien, qui est devenu premier ministre en 1993, anommé en 1994 un conseiller en éthique pour le conseiller relativement aux allégations contre des ministres dans les domaines des conflits d'intérêts et du lobbying, enquêter sur des plaintes contre des lobbyistes et administrer le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat.

Au cours de cette période, trois scandales impliquant des politiciens et des fonctionnaires ont soulevé un autre défi notable au chapitre des valeurs et de l'éthique. Le premier de ces scandales — l'affaire Al-Mashat, en 1991 — comportait des allégations selon lesquelles des fonctionnaires fédéraux avaient activé l'attribution du statut d'immigrant admis à Mohammed Al-Mashat, ancien ambassadeur iraquien à Washington et porte-parole de l'Iraq durant la guerre du Golfe. Au cours de l'enquête sur cette affaire, des politiciens ont nommé et condamné publiquement des fonctionnaires et débattu du sens véritable et de l'application correcte de la convention de responsabilité ministérielle. L'affaire a eu une incidence défavorable sur la convention de l'anonymat de la fonction publique qui avait commencé à décliner pour d'autres raisons, dont l'importance accrue accordée au service au public et l'augmentation de la couverture médiatique de la fonction publique.

Un deuxième scandale a découlé d'une mission militaire canadienne malheureuse en Somalie en 1993, au cours de laquelle un jeune Somalien fut tué. Une commission d'enquête, créée par le nouveau gouvernement libéral en 1995, s'est plainte dans son rapportNote de bas de page 40 que le déshonneur causé par les événements originaux avait été exacerbé par « l'imprécision et la tromperie » dont étaient imprégnés les témoignages de nombreux officiers supérieurs. La commission a souligné aussi que la décision du gouvernement « de mettre fin prématurément aux travaux de la commission soulève elle-même de nouvelles questions au sujet de la responsabilité et de l'obligation derendrecompteNote de bas de page 41  ».

Le troisième scandale tournait autour d'une commission d'enquêteNote de bas de page 42, en 1993, sur l'infection de plusieurs milliers de Canadiens par du sang contaminé. Monique Bégin, qui était ministre fédéralede la Santé à l'époque de l'infection, a offert de comparaître devant la Commission par «  souci de moralité etd'intégrité personnelles » et en reconnaissance de la responsabilité ministérielle comme « pierre angulaire de notre gouvernement exécutifNote de bas de page 43 ». Pourtant, le même jour, le général Jean Boyle, chef d'état-major de la Défense du Canada, a refusé d'assumer toute responsabilité pour la conduite discutable du ministère de la Défense relativement aux événements de laSomalie et laissé entendre que certains des officiers supérieurs du ministère manquaient d'intégrité et de force moraleNote de bas de page 44.

Une partie de la réponse du gouvernement à ces incidents a grandement accru l'attention accordée au concept et àla gestion des valeurs de la fonction publique. Cette attention fut également le résultat dedéveloppements dans le secteur privé. Le mouvement de la nouvelle gestion publique (NGP), qui met l'accent sur l'application des pratiques et des valeurs commerciales au secteur public, est devenu de plus en plus influent. Cette influence était accentuée par le mouvement de la « culture organisationnelle », animé par despublications commerciales comme In Search of Excellence, de Peters et Waterman. Les valeurs étaient présentées comme l'essence de la culture organisationnelle et la clé de la prospérité des entreprises. Les deux mouvements ont eu passablement d'influence sur la fonction publique en l'amenant à accorder une attention plus grande à la planification stratégique, à la responsabilisation à l'égard des résultats et à des valeurs comme le service, l'excellence et l'innovation — qui sont décrites dans la fonction publique du Canada comme des valeurs « professionnelles  ». La recherche de ces « nouvelles  » valeurs professionnelles s'est accompagnée d'une baisse de la sensibilisation à l'importance des valeurs démocratiques comme la responsabilisation et l'intérêt public.

Dans son rapport de 1987, un Comité desvaleurs fondamentales, composé de sous-ministres, a souligné que les valeurs « représentent les croyances ou les préférences fondamentales solidement assises qui guident nos objectifs et comportements ». En outre, les valeurs « nesont pas non plus des attitudes, des opinions, des principes ou desnotions d'éthique, bien que tous ces éléments soientinfluencés et façonnés par les valeurs qui les sous-tendentNote de bas de page 45 ». Cette notion de valeurs fondamentales sur lesquelles s'appuient les règles d'éthique et d'autres règles est un thème constant du dialogue du Canada sur les valeurs de la fonction publique. Au nombre des multiples questions soulevées par ce rapport de 1987 figurent celles de savoir s'il faut simplement mieux énoncer les valeurs de la fonction publique ou en définir de nouvelles, si les valeurs rendent compte de l'engagement affectif des employés et quelles sont les valeurs fondamentales.

L'influence des nouvelles valeurs de la fonction publique est manifeste dans le rapport de 1990 de Fonction publique 2000 (FP 2000), un exercice du gouvernement fédéral visant à renouveler la fonction publique et à la préparer à faire face aux défis de la mondialisation, des demandes de meilleur service de la part du public, du vieillissement de l'effectif, des progrès de la technologie de l'information et du besoin grandissant de travailleurs du savoir. Même si FP2000 peut se décrire comme un jalon mineur du point devue de son incidence à long terme sur la fonction publique, l'exercice est remarquable pour ses références aux valeurs de la fonction publique. Dans le rapport, on envisageait un changement de culture dans la fonction publique au profit de la nouvelle culture fondée sur les valeurs « simples, qui ne changent pas » qui ont caractérisé la fonction publique depuis le tout début du siècle. Ces valeurs sont les suivantes :

servir le Canada et les Canadiens, faire preuve de loyauté envers le gouvernement dûment élu, faire preuve d'honnêteté, d'intégrité et d'impartialité, utiliser à bon escient l'argent des contribuables, respecter fidèlement les principes de l'équité et de l'impartialité, exécuter [ses] fonctions avec professionnalisme et faire montre de respect envers les ministres, les autres parlementaires, le public et les fonctionnaires.Note de bas de page 46

Ces valeurs sont semblables aux valeurs traditionnelles de la fonction publique définies plus haut.

Un thème important du rapport de FP 2000 était l'amélioration du service au public par des fonctionnaires habilités et novateurs, dans le contexte de la responsabilisation à l'égard des résultats obtenus et de la façon dont les choses se font. Le rapport présentait la tension inhérente entre les diverses valeurs de la fonction publique, par exemple entre les valeurs professionnelles comme l'innovation et l'efficacité et les valeurs démocratiques comme la responsabilisation et la primauté du droit. En grande partie en réponse aux recommandations de FP 2000, la Loi sur la réforme de la fonction publique de 1992 prévoyait des changements comme la mutation des employés, la rationalisation du processus de dotation et l'amélioration du régime d'équité en emploi.

Sur ce dernier point, la Loi sur l'équité en matière d'emploi de 1986 avait déjà exigé des employeurs régis par le gouvernement fédéral (p. ex. dans l'industrie des transports et le secteur bancaire) qu'ils fassent rapport annuellement au gouvernement sur leurs activités de promotion de l'équité en matière d'emploi visant les groupes historiquement défavorisés, notamment les femmes, les Autochtones, les minorités visibles et les personnes handicapées. En 1986 également, le gouvernement fédéral avait adopté une politique sur l'équité en emploi dans la fonction publique, laquelle exigeait des ministères qu'ils cernent et éliminent les obstacles systémiques à la représentation équitable des membres de ces groupes défavorisés. Ces initiatives étaient en partie une réponse aux recommandations de la Commission royale sur l'égalité en matière d'emploi de 1984 (la Commission Abella), qui soulignait la nécessité de rendre la fonction publique plus représentative de l'ensemble de la population des points de vue du sexe, de larace, de l'origine ethnique et de l'incapacité. Le succès des programmes d'équité en emploi dans la promotion des valeurs que sont l'équité, la représentativité et la réceptivité a été accru par l'importance accordée à la « valorisation des différences » entre les membres d'un effectif de plus en plus diversifié dans la fonction publique.

L'Examen des programmes, lancé par le gouvernement Chrétien au début de 1994, a évalué en profondeur tous les programmes gouvernementaux pour trouver des possibilités d'économies budgétaires. À peine quelques années plus tôt, le Groupe de travail sur la dotation de FP2000, soulignait que « la structure de l'emploi dans la fonction publique repose en grande partie sur le principe de la carrièreNote de bas de page 47 ». Et le rapport de FP 2000 lui-même soutenait qu'une « fonction publique professionnelle, axée sur la carrière et pouvant attirer des employés talentueux, dévoués et imaginatifs et les retenir est essentielle au bien-être de tous les CanadiensNote de bas de page 48 ». Toutefois, la façon particulièrement dure avec laquelle certaines réductions dupersonnel ont été effectuées par suite de l'Examen des programmes a provoqué un débat sur la question de savoir si une fonction publique professionnelle et impartiale était aussi une fonction publique où l'on fait carrière — une question qui a été examinée quelques années plus tard parle Groupe de travailTait.

L'Examen des programmes faisait partie d'un vaste programme de réforme défini dans le rapport de 1996 intitulé Repenser lerôle de l'État. Ce rapport, fortement influencé par le mouvement de la NGP, afavorisé une meilleure utilisation de la technologie de l'information et d'autres moyens pour promouvoir un service de grande qualité axé sur les citoyens, l'amélioration de la mesure du rendement et l'utilisation de mécanismes de diversification des modes de prestation deservices comme les partenariats, l'impartition et les frais d'utilisation. Parallèlement, le gouvernement a adopté des mesures, dont le Projet de recherche sur les politiques de 1996Note de bas de page 49, pour revitaliser sa capacité d'élaboration de politiques et lui permettre ainsi de relever les défis exposés plus haut relativement aux travaux de FP 2000.

Les questions de valeurs et d'éthique postérieures à 1985 mentionnées plus haut — et de nombreuses autres — ont été abordées par le Groupe de travail sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, composé de sous-ministres, qui adébuté ses travaux au printemps 1995 et publié son célèbre rapportNote de bas de page 50 en décembre 1996 (généralement appelé le Rapport Tait, du nom de son regretté président John Tait). Une décennie plus tard, les idées, les perspectives et les propositions présentées dans le rapport continuent de faire écho dans la collectivité de l'administration publique du Canada. Le titre de la présente étude — Une vocation spéciale — est tiré de l'assertion du rapport selon laquelle

[l]a fonction publique est une vocation spéciale. Tous n'y sont pas appelés. Ceux qui s'y dévouent y trouvent un sens et une satisfaction qu'il n'est pas possible de retrouver ailleurs. Mais les récompenses ne sont pas matérielles. Elles sont morales et psychologiques, peut-être même spirituelles. Ce sont les récompenses intangibles que procure le sentiment de consacrer sa vie au service du pays, à la conduite des affaires de l'État, à la poursuite d'objectifs publics petits et grands et à l'accomplissement du bien commun.Note de bas de page 51

Le groupe de travail a conclu que le renouveau de la fonction publique « doit venir d'abord de l'intérieur : devaleurs sciemment entretenues et quotidiennement pratiquées; de valeurs profondément enracinées dans notre propre système de gouvernement, de valeurs qui aident la fonction publique à redécouvrir sa nature, sa raison d'être et ses attributions; de valeurs qui nous aident à faire du service public une noble vocationNote de bas de page 52 ». L'éthique de la fonction publique a été traitée comme un sous-ensemble de valeurs de la fonction publique. Les valeurs éthiques sont définies comme des « croyances bien ancrées qui influencent nos attitudes et nos actions quant à ce qui estbien ou malNote de bas de page 53 ».

Le groupe de travail a examiné les questions touchant lafonction publique etles pressions qui s'exercent relativement à la recherche d'une fonction publique professionnelle et aux principes et pratiques de la démocratie parlementaire du Canada. Le groupe de travail a demandé l'élaboration d'un « énoncé clair et concis des exigences de la responsabilité ministérielle qui serait facile à comprendre de la part des ministres, des fonctionnaires et des citoyensNote de bas de page 54  » et il a souligné l'importance des valeurs que sont l'impartialité et le mérite. Le groupe de travail a également recommandé l'adoption d'un énoncé des valeurs qui pourrait non seulement contribuer à mettre en place « de solides assises pour les valeurs de la fonction publique mais établirait aussi un nouveau contrat moral entre la fonction publique, le gouvernement et le Parlement du CanadaNote de bas de page 55 ». Cette notion de contrat moral est à l'origine de la proposition d'une Charte de la fonction publique dont nous parlons plus loin.

Quatre autres contributions sont particulièrement dignes de mention. La première est le souci du groupe de travail de trouver le juste milieu entre les règles etles valeurs. Legroupe a reconnu les avantages de délaisser un régime axé exclusivement sur des règles au profit d'un régime qui s'appuie davantage sur un cadre de valeurs pour son orientation, mais a admis que certaines règles demeureront toujours importantes pour « exprimer lavolonté démocratique et préserver la légitimité du gouvernementNote de bas de page 56 ». La deuxième contribution est la classification des valeurs en quatre « familles » de valeurs — démocratiques, professionnelles, liées aux personnes et à l'éthique — et la reconnaissance de la nécessité de concilier les tensions entre certaines de ces valeurs. Troisièmement, le groupe de travail a perçu le respect du concept d'intérêt public comme un élément central d'une fonction publique professionnelle. Quatrièmement, le groupe de travail a reconnu que le gouvernement ne peut pas promettre aux fonctionnaires une carrière au sens d'un emploi à vie mais qu'une fonction publique professionnelle a besoin d'une « masse critique  » de fonctionnaires ayant servi assez longtemps pour acquérir les compétences et la culture du professionnalisme qu'ils pourront transmettre à d'autres.

Au cours de cette période, l'importance continuelle des valeurs que représentent l'intégrité et la responsabilisation fut assortie d'une attention beaucoup plus grande accordée à de nouvelles valeurs professionnelles comme le service et l'innovation. Le Rapport Tait fut grandement responsable de la promotion d'un dialogue énergique sur l'importance centrale, pour une fonction publique professionnelle dans la démocratie parlementaire du Canada, de valeurs démocratiques telles que la primauté du droit, la responsabilisation et la neutralité politique. Lesnominations partisanes à des postes de la fonction publique — ennemies de longue date de la neutralité politique — ont diminué à un point tel qu'en 1991, la Cour suprême du Canada s'est sentie à l'aise d'interpréter la Charte canadienne des droits et libertés de manière à renforcer considérablement le droit des fonctionnaires departiciper à des activités politiques partisanesNote de bas de page 57.

Vers la fin de cette période, une étude des valeurs épousées par les organisations publiques des gouvernements fédéral et provinciaux a démontré que les premières valeurs en importance, par ordre de priorité, sont l'intégrité–éthique, la responsabilisation–responsabilité, le respect, le service, lajustice–l'équité, l'innovation, le travail d'équipe, l'excellence, l'honnêteté, l'engagement–le dévouement, la qualité et l'ouvertureNote de bas de page 58. Cette dernière valeur, l'ouverture, ainsi que la valeur connexe que constitue la transparence n'ont cessé de gagner en importance depuis ce temps.

6. Clarification des valeurs (1997–2003)

En 1997, le gouvernement a commencé à relever les défis exposés dans le rapport du Groupe de travail Tait et à donner suite aux propositions du rapport sur la façon d'yfaire face. Certaines mesures du gouvernement portant sur les valeurs s'inscrivaient dans le cadre de mesures plus vastes visant à améliorer la gestion et le rendement globaux de la fonction publique alors que d'autres ont porté précisément sur le renforcement du régime de valeurs et d'éthique du gouvernement.

En mars 2000, le gouvernement a publié Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes : Un cadre de gestion pour le gouvernement du CanadaNote de bas de page 59 qui engageait le gouvernement àatteindre l'excellence dans quatre secteurs d'importance vitale pour une fonction publique professionnelle productive, à savoir l'accent sur le citoyen, l'utilisation judicieuse de fonds, la gestion axée sur les résultats et les valeurs de la fonction publique. On soutenait que les « gestionnaires de la fonction publique doivent obéir à un ensemble de valeurs claires […]. Comme partout ailleurs, les valeurs constituent le fondement de l'action et en indiquent l'orientationNote de bas de page 60 ». Les fonctionnaires devaient être guidés par les quatre ensembles de valeurs — démocratiques, professionnelles, liées à la personne et liées à l'éthique — d'abord décrits dans le Rapport Tait. Entre autres mesures permanentes de promotion du changement définies dans le cadre figurait la modernisation de la fonction de contrôleur, une réforme de la gestion axée sur la saine gestion des ressources gouvernementales et l'efficacité de la prise de décisions. La définition d'un ensemble commun de valeurs et d'éthique faisait partie des principaux objectifs de cette réforme.

Au cours de cette période, les résultats dedeux séries de sondages ont amélioré l'image professionnelle de la fonction publique. Les rapports des trois premiers sondages nationaux intitulés Les citoyens d'abord (1998, 2000 et 2003) ont réfuté l'idée reçue selon laquelle la qualité des services du secteur privé est invariablement supérieure à celle des services de la fonction publique. Les Canadiens ont jugé la qualité du service de nombreuses organisations publiques supérieure à celle des services de nombreuses entreprises privées. De plus, les deux premiers de trois sondages (1999, 2002, 2005) auprès de tous les fonctionnaires fédéraux dont le Conseil du Trésor est l'employeur ont fait état de degrés inattendus de haut niveau de satisfaction au travail.

La promotion d'un milieu de travail exemplaire, par l'augmentation notamment de la satisfaction au travail, constituait l'un des objectifs des délibérations entreprises au début de 2001 et menant en novembre 2003 à la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Le caractère souhaitable d'une fonction publique axée sur les valeurs était l'un des quatre grands thèmes des délibérations. La Loi prévoyait des modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques, l'adoption d'une nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et d'une nouvelle Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Cette dernière loi a conservé les valeurs fondamentales de lafonction publique que représentent le mérite, l'impartialité, l'excellence, la représentativité et l'intégrité. Elle a également donné un nouveau sens au mérite qui délaissait la notion de la personne la « plus qualifiée », idée axée sur les règles, au profit d'une approche fondée sur les valeurs permettant d'embaucher plus rapidement des personnes qualifiées.

Tous les événements qui précèdent ont eud'importantes implications sur les valeurs et l'éthique de la fonction publique. Ces événements, conjugués à l'accueil généralement enthousiaste du Rapport Tait, ont entraîné la création en 1999 du Bureau des valeurs et de l'éthique de la fonction publique (BVEFP) au Secrétariat du Conseil du Trésor en tant que « centre d'expertise et de leadership responsable de la promotion d'une gestion axée sur les valeurs au sein de la fonction publiqueNote de bas de page 61 ». Deux sous-ministres (Janice Cochrane et Scott Serson) ont été désignés « cochampions » des valeurs et de l'éthique en mai 1998 pour susciter un dialogue sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique. En juin 2001, les sous-ministres ont convenu unanimement avec les cochampions de l'importance d'adopter unénoncé de principes. Puis le , le greffier du Conseil privé a transmis un courriel à tous les employés pour leur demander de participer à l'élaboration de l'énoncé. Le même jour, on inaugurait le « site Web des principes » à titre de mécanisme, parmi plusieurs autres, devant inciter un grand nombre de fonctionnaires à formuler des observations sur l'énoncé provisoire de principes.

En 2000, la fonction publique comptait un pourcentage élevé de femmes. Celles-ci détenaient plus de 50 p. 100 des postes de la fonction publique dans son ensemble, et27 p. 100 des postes de cadre supérieur — ce qui représente une hausse par rapport aux 29 p. 100 et 14p. 100 enregistrés respectivement en 1970. Au cours de cette période, on a accordé de plus en plus d'attention à la réduction de la conduite contraire à l'éthique comme le harcèlement sexuel et d'autres types de harcèlement en milieu de travail. La Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travailNote de bas de page 62 du Conseil du Trésor, qui est entrée en vigueur le , doit permettre d'accroître la sensibilisation aux cas de harcèlement possibles et de favoriser une résolution rapide des problèmes et le recours à la médiation pour le règlement des conflits. L'outil de prévention du harcèlement du BVEFP — Face à faceNote de bas de page 63 — indique que la politique traduit les valeurs et les principes du respect, de la diversité, de l'intégrité, et du leadership ou de la responsabilité.

Au milieu des années 1990, le Bureau duvérificateur général a commencé à s'intéresser activement à la situation des valeurs et de l'éthique dans la fonction publique. Malgré un certain désaccord sur le bien-fondé pour le Bureau de jouer un rôle si important dans ce domaine, ses rapports sur l'intégrité du gouvernement ont considérablement stimulé la réflexion et l'activité. Dans son rapport de 1995, intitulé La sensibilisation à l'éthique et à la fraude au gouvernementNote de bas de page 64, le vérificateur général soulignait que les normes d'éthique des fonctionnaires fédéraux se comparaient avantageusement avec celles du secteur privé et de gouvernements d'autres pays mais qu'il fallait trouver une solution à des« points vulnérables ». Il suggérait l'adoption d'un « cadre d'éthique » comportant des éléments comme un énoncé de principes, le renforcement du leadership, une prise de décisions transparente, une formation en éthique etun mécanisme de divulgation.

Dans son rapport de 2000, Les valeurs etl'éthique dans le secteur public fédéralNote de bas de page 65, le vérificateur général a évalué les initiatives en cours dans le domaine desvaleurs et de l'éthique visant la « promotion de valeurs et d'une éthique saines au sein du gouvernement. Ces valeurs et cette éthique constituent un élément essentiel d'une saine régie publique qui respecte et appuie les valeurs démocratiques fondamentalesNote de bas de page 66 ». Le rapport soulignait que les initiatives en matière de valeurs et d'éthique des ministères en étaient à des étapes préliminaires, et proposait une série de priorités et un cadre d'action pour accélérer les progrès. Le rapport reconnaissait aussi le contexte plus vaste dans lequel les questions liées aux valeurs et à l'éthique surgissent en reprenant l'invitation du Groupe de travail Tait à clarifier le principe de la responsabilité ministérielle. Il recommandait aussi un dialogue soutenu sur les valeurs et l'éthique, l'adoption d'un énoncé de valeurs et d'éthique et l'établissement de mécanismes de recours pour protéger les fonctionnaires qui divulguent des préoccupations d'ordre éthique. Enfin, il suggérait au gouvernement d'élaborer un plan de mise en œuvre assorti d'échéances pour donner suite à cespriorités.

En ce qui concerne les mécanismes de recours, le gouvernement a adopté le une Politique sur la divulgation interne d'information concernant des actes fautifs au travailNote de bas de page 67. Cette politique était une réponse aux nombreuses propositions formulées depuis plusieurs décennies en faveur de la mise en place d'un régime dedivulgation (dénonciation) et aux préoccupations des citoyens soulevées par des cas particuliers, dont l'affaire Chopra. Shiv Chopra est le plus connu de trois scientifiques à l'emploi de Santé Canada qui ont allégué pendant plusieurs années que le ministère avait exercé des pressions sur eux pour qu'ils approuvent certains médicaments à usage vétérinaire dont ils jugeaient l'innocuité douteuse. Par suite de leur opposition interne aux directives du ministère et de leurs critiques publiques du ministère, M. Chopra et ses deux collègues ont reçu une ordonnance leur imposant le secret et ont été suspendus sans solde, réprimandés et rétrogradés. En juillet 2004, ils étaient congédiés.

En vertu de la politique de 2001 sur la divulgation, chaque ministère doit nommer un « agent supérieur » pour recevoir des fonctionnaires les dénonciations de bonne foi relativement à des actes répréhensibles dans leur organisation, veiller à ce que de telles dénonciations soient traitées convenablement et rapidement et s'assurer que les dénonciateurs ne soient pas victimes de représailles. Un Bureau de l'intégrité de la fonction publique, indépendant du Secrétariat du Conseil duTrésor, a été créé pour recevoir les dénonciations des employés ayant épuisé tous les recours internes dans leur organisation ou estimant qu'un danger immédiat menace la vie, la santé ou la sécurité de citoyens.

À la même période, plusieurs allégations largement diffusées de conduite répréhensible de la part de fonctionnaires ont donné lieu à un regain d'attention auxrègles régissant la conduite des fonctionnaires et à des spéculations sur l'efficacité du régime de divulgation de2002.

Un retour vers un régime administratif axé sur les règles s'est amorcé par une affaire impliquant Jean Stewart, alors ministre fédérale du Développement des ressources humaines (DRHC). La ministre a essuyé devives critiques après la parution en janvier 2000 d'un rapport de vérification interne des programmes de subventions et contributions de son ministère, qui faisait état de lacunes en matière de contrôle de gestion, et en particulier de l'absence de documentation. Le débat public sur le véritable sens du rapport de vérification fut grandement compliqué par une opinion répandue dans la population, selon laquelle un grand nombre des subventions et contributions du ministère étaient inutiles ou avaient été accordées pour des motifs politiques. L'inquiétude de la population devant le rapport de vérification s'est rapidement manifestée par des manchettes dans les médias à propos d'« emplois bidon d'un milliard de dollars » et s'est estompée plusieurs mois plus tard au terme d'une grande polémique au sujet de l'étendue réelle du problèmeNote de bas de page 68. Cette affaire portait en partie sur la dépense de fonds publics pour des motifs politiques et présageait donc des événements semblables dans les années subséquentes. En octobre 2000, HughWinsor, un journaliste de premier plan, a fait mention d'une vérification desServices de coordination des communications du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dont Alfonso Gagliano était leministre. M.Winsor a soutenu que cette vérification « devrait devenir un scandale majeur » comportant l'attribution de « millions de dollars de contrats sans soumissions à des amis du gouvernement pratiquement sans vérifier si les contrats ont permis d'obtenir les résultats escomptésNote de bas de page 69 ». Le scandale, qui n'a pas éclaté avant le début de 2002, est devenu un élément d'une série d'événements sur laquelle la Commission Gomery a fait enquête et dont nous traitons ci-dessous.

Au cours du même mois, une nouvelle dans les médias a soulevé des questions surla relation entre Paul Cochrane, sous-ministre adjoint au ministère de la Santé, et la Virginia Fontaine Addictions Foundation Note de bas de page 70. Une vérification judiciaire a révélé — et M.Cochrane a admis en cour — qu'il avait reçu plus de 200 000 dollars en espèces et en cadeaux comme pots-de-vin pour avoircanalisé plus de 70 millions de dollars vers la VFAF.

Un autre incident a impliqué GeorgeRadwanski, qui avait été nommé commissaire à la protection de la vie privée du Canada en octobre 2000. Un employé du bureau de M.Radwanski a révélé à un comité de la Chambre des communes que M. Radwanski avait fait un usage personnel inapproprié de fonds publics. Dans un rapport d'octobre 2003, la vérificatrice générale faisait état d'une importante dégradation des contrôles de gestion et d'un usage abusif de fonds publics par le commissaire Note de bas de page 71 ».

À la fin de mai 2002, plusieurs allégations de conduite répréhensible impliquant le premier ministre Jean Chrétien et certains de ses ministres et ayant débuté à lafin des années 1990 ont attisé la critique. Parmi les allégations figurait une accusation de Jon Grant, ancien président du conseil de la Société immobilière du Canada, une société d'État faisant partie du portefeuille du ministre des Travaux publics, selon laquelle le ministre, Alfonso Gagliano, avait tenté à maintes reprises d'obtenir des emplois pour ses amis et d'influencer indûment la conduite des affaires de la société au Québec. Le comportement du ministre fut par la suite traité dans les médias dans le contexte plus vaste d'allégations continues relatives à des avantages financiers indus pour les amis politiques du gouvernement au QuébecNote de bas de page 72. Bon nombre deces allégations portaient sur l'attribution de contrats fédéraux depublicité et de commandite à des entreprises du Québec ayant fait des dons importants au Parti libéral fédéral. La vérificatrice générale a enquêté sur une accusation selon laquelle Groupaction Marketing avait touché 550 000 dollars en1999 pour un rapport sur la visibilité fédérale au Québec qui était sensiblement le même qu'un rapport pour lequel l'entreprise avait reçu 575 000 dollars en1998. Et le , elle a déclaré que les hauts fonctionnaires avaient « contourné à peu près toutes les règles » en attribuant trois contrats de publicité etde commandite au Québec, et la GRC aentrepris une enquête criminelle sur Groupaction.

Par suite de ces événements, le premier ministre Chrétien a publié Le guide du ministre et du secrétaire d'ÉtatNote de bas de page 73 en juin2002 dans le cadre du « Plan d'action en huitpoints en matière d'éthique au seindugouvernementNote de bas de page 74 ». Le guide s'accompagnait de lignes directrices régissant les rapports ministériels avec lessociétés d'État, de lignes directrices régissant les activités ministérielles à des fins politiques personnelles et d'une nouvelle procédure pour la nomination duconseiller en éthique. Le plan d'action annonçait l'adoption d'un code de conduite pour les parlementaires, des modifications à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, le renforcement de la législation sur le financement des partis politiques etl'accroissement de la responsabilisation de la fonction publique en ce qui a trait à la dépense de fonds publics. Le guide énonçait les principes clés de la responsabilité ministérielle et soulignait que les fonctionnaires devaient respecter laneutralité politique traditionnelle de lafonction publique et que les ministres devaient respecter le caractère impartial de la fonction publique. Le guide rappelait aussi aux ministres les lignes directrices apparaissant dans le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en cequiconcerne les conflits d'intérêts et l'après-mandatNote de bas de page 75.

À ce guide ministériel s'est ajouté en juin2003 le Guide du sous-ministreNote de bas de page 76, qui décrit les quatre catégories de valeurs de lafonction publique et souligne le rôle essentiel de leadership des sous-ministres en appui à ces valeurs. Cedocument renvoie aussi au Cadre de responsabilisation degestion (CRG) adopté en juin 2003 parle Secrétariat du Conseil du Trésor. LeCRG comprend dix composantes essentielles d'une saine gestion, dont une composante valeurs et éthique indiquant que « [d]e par leurs actions, les leaders ministériels soulignent continuellement l'importance des valeurs et de l'éthique de la FP dans les efforts déployés pour fournir des résultats aux Canadiens et aux Canadiennes (il s'agit de valeurs démocratiques, professionnelles, éthiques etaxées sur les personnes) ».

L'événement décisif au cours de cette période fut l'adoption du Code de valeurs etd'éthique de la fonction publique, entré en vigueur le . Le Code donnait suite à l'invitation du Groupe de travail Tait à adopter un énoncé des valeurs et fut le point culminant de plusieurs années de débat et de consultation sur la forme et le fond qu'il faudrait donner à l'énoncé. Le Code constitue une partie des conditions d'emploi des fonctionnaires des ministères et organismes et chacun de ces fonctionnaires est tenu de s'y conformer et de donner l'exemple du respect des valeurs qu'il énonce. Voici quels sont les objectifs du Code :

  • mettre de l'avant les valeurs et l'éthique de la fonction publique pour guider et appuyer les fonctionnaires dans toutes leurs activités professionnelles;
  • conserver et accroître la confiance du public dans l'intégrité de la fonction publique;
  • renforcer le respect et la reconnaissance du rôle de la fonction publique au sein de la démocratie canadienne.

La principale partie du Code est un énoncé de valeurs qui décrit en détail lesquatre catégories de valeurs susmentionnées. Les trois sections qui suivent portent surles conflits d'intérêts, l'après-mandat et les pistes de solutions. LeCode reprend le concept d'intérêt public exposé dans le Rapport Tait. Parmi les valeurs démocratiques apparaît l'énoncé « aider les ministres, dans le cadre de la loi, à servir l'intérêt public », et dans les valeurs liées à l'éthique se trouvent les énoncés suivants : « l'intérêt public doit primer dans le règlement » des « conflits entre l'intérêt personnel du fonctionnaire et sesfonctions et responsabilités officielles » et « les fonctionnaires doivent prendre toute décision dans l'intérêt public ».

Au cours de la décennie qui a suivi le Rapport Tait, le concept de valeurs est devenu un thème central dans les dialogueset les documents portant sur la fonction publique du Canada. Plusieurs gouvernements provinciaux et administrations municipales ont adopté des énoncés de valeurs. L'énoncé de l'Ontario, par exemple, reprend les valeurs qui étaient jugées les plus importantesNote de bas de page 77 dans les ministères et organismes fédéraux et provinciaux, c'est-à-dire des valeurs comme l'intégrité, la responsabilisation, l'équité et le service. Les autres pays développés ayant un régime de gouvernement britannique — l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni — avaient déjà élaboré des énoncés de valeurs et d'éthique à la fin des années 1990Note de bas de page 78. Autournant du siècle, les 29 pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avaient adopté des mécanismes, d'une diversité de formes frappante, pour promouvoir une conduite fondée sur les valeurs dans la fonction publiqueNote de bas de page 79. Les valeurs étaient présentées comme une importante solution de rechangeNote de bas de page 80, ou du moins comme un important complémentNote de bas de page 81, à la restructuration organisationnelle. En 1998, un éminent chercheur dans le domaine de l'éthique de la fonction publique a souligné l'importance de gérer les valeurs de la fonction publique; à son avis, « l'art de la gestion des valeurs pour les praticiens était déjà devenu la compétence maîtresse pour les gestionnaires et les dirigeants des organisations du secteur publicNote de bas de page 82  ».

L'intégrité des fonctionnaires en ce qui concerne les conflits d'intérêts était également une question importante à l'époque. Le Rapport Tait de 1996 faisait une mise en garde contre les problèmes de conflits d'intérêts alors que les fonctionnaires « entreprennent de donner des conseils et de participer à la prise de décisions de clients particuliers plutôt que de fournir seulement certains renseignements de baseNote de bas de page 83 ». La même année, la Cour suprême du Canada a statué qu'un fonctionnaire n'a pas à avoir d'intention malhonnête pour qu'un cadeau soit jugé inacceptableNote de bas de page 84. Cette décision appuyait des jugements antérieurs selon lesquels une apparence de conflits d'intérêts peut nuire au processus démocratique aussi facilement qu'un conflit réelNote de bas de page 85. Puis, en 1999, le secrétaire duConseil du Trésor fédéral avertissait lesfonctionnaires qu'étant donné qu'ils disposent d'une plus grande latitude dans la prise de décisions, ils doivent « éviter que le public croie en l'existence de favoritisme bureaucratique, prenant la forme par exemple d'utilisation à des fins personnelles d'information par des initiés, de favoritisme et de conflits d'intérêtsNote de bas de page 86 ».

La demande accrue d'ouverture et de transparence au gouvernement de la part du public — et du Commissaire à l'information — en partie pour assurer la responsabilisation, s'est parfois heurtée à la nécessité pour les fonctionnaires de protéger les renseignements personnels et d'être loyaux envers leurs dirigeants politiques. Le Commissaire a dénoncé la «  culture du secret » au gouvernement et a souligné en l'approuvant l'argument de son prédécesseur selon lequel le gouvernement doit abandonner la loyauté comme valeur respectée des fonctionnaires et la remplacer par « l'obéissance à la loi » Note de bas de page 87.

7. Mise en pratique des valeurs d'une fonction publique professionnelle (2004 – )

En réponse aux allégations répétées de conduite répréhensible mettant en cause des politiciens, deux nouveaux bureaux de l'éthique ont été créés en 2004. LeBureau du conseiller en éthique, créé en 1994, a été remplacé par le Bureau du commissaire à l'éthique, qui relève directement du Parlement plutôt que du premier ministre. Le commissaire administre le Code régissant les conflits d'intérêts des députés et le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat (ministres, ministres d'État et secrétaires parlementaires). De plus, on a créé le Bureau du conseiller sénatorial en éthique pour administrer le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs.

La création, à l'automne 2003, du Groupede travail sur ladivulgation des actes fautifs, un groupe externe au gouvernement ayant fait rapport au début de 2004Note de bas de page 88, aconstitué une autre réponse du gouvernement à la conduite répréhensible. Il recommandait entre autres de remplacer la politique sur la divulgation susmentionnée par une loi, de remplacer le Bureau de l'intégrité de la fonction publique par un nouveau bureau agissant comme organisme d'enquête indépendant relevant du Parlement, de protéger les « dénonciateurs  » d'actes répréhensibles contre les représailles et d'imposer des mesures disciplinaires en cas d'utilisation abusive des mécanismes de divulgation.

Le groupe de travail a également proposé que les dispositions législatives sur la divulgation s'inscrivent dans un cadre plus vaste de valeurs et d'éthique de la fonction publique afin de favoriser la « bonne conduite » en plus de proscrire la conduite répréhensible. Il appuyait la recommandation du Groupe de travail Tait en ce qui a trait au contrat moral entre les politiciens et les fonctionnaires et il jugeait avantageux d'adopter une démarche législative fondée sur les valeurs de la fonction publique car ainsi « les ministres et les députés seraient liés par la loi autant que les fonctionnaires  » en soutien à une fonction publique professionnelle vouée àl'intérêt publicNote de bas de page 89. Cette notion de contrat moral fut plus tard présentée comme un élément central d'une charte de valeurs dela fonction publiqueNote de bas de page 90.

La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensiblesNote de bas de page 91 (LPFDAR) de 2005 non seulement crée un régime de divulgation des actes fautifs mais engage également le gouvernement, dans son préambule, à « adopter une charte des valeurs du service public pour guider les fonctionnaires dans leur conduite et leurs activités professionnelles ». De plus, l'article 5 de la Loi oblige le Conseil du Trésor à « établir un code de conduite applicable au secteur public ». Le contenu de laLoidonne suite à la plupart des recommandations du groupe de travail. LaLPFDAR a obtenu la sanction royale à la fin de 2005 mais n'a pas encore été promulguée en raison de modifications apportées par la Loi fédérale sur la responsabilité. La Loi fédérale sur la responsabilité a reçu la sanction royale le , et il y a lieu de croire que la LPFDAR entrera en vigueur en2007.

Les principes de la démocratie parlementaire du Canada etla mesure danslaquelle ils ont été respectés par lesministres et la fonction publique professionnelle ont fait l'objet d'un vigoureux débat public durant ce qu'il estconvenu d'appeler le « scandale des commandites », lequel a éclaté, comme nous l'indiquons plus haut, à la findes années 1990. La Commission d'enquête surle programme des commandites et les activités publicitaires, créée le 19 février 2004 et présidée par le juge John Gomery, a enquêté sur les allégations d'actes répréhensibles. Le juge Gomery a conclu que la plupart des principaux acteurs impliqués dans le scandale étaient des politiciens (le premier ministre, des ministres et un ensemble de conseillers ettravailleurs politiques). Il a cependant constaté qu'un haut fonctionnaire avait été directement impliqué dans les actes fautifs et qu'un autre n'a pas donné «  l'heure juste », administrativement parlant, aux autorités politiques concernant les activités louches depoliticiensNote de bas de page 92.

Bon nombre des questions liées aux valeurs et à l'éthique abordées dans le présent document sont réapparues dans les rapports 2005 et 2006Note de bas de page 93 de la Commission Gomery. Leprincipe du gouvernement responsable, établi comme nous l'avons mentionné plushaut en 1848, a constitué un thème important des rapports. En 2006, la commission s'est demandé : « Comme le Canada possède en théorie un régime de gouvernement responsable, comment sefait-il que personne n'ait été prêt à accepter la responsabilité de ce qui s'était mal passé?Note de bas de page 94 ». Les recommandations de la commission visaient à rétablir l'équilibre dans les relations entre le gouvernement etle Parlement en vue de responsabiliser plus clairement les politiciens et les fonctionnaires. Une attention particulière fut accordée à la clarification du sens et del'application de la responsabilité ministérielle individuelle.

Les recommandations de la commission répondaient aussi aux préoccupations relatives au non-respect des valeurs fondamentales de la fonction publique. Des incidents de fraude, de favoritisme et l'omission des fonctionnaires de donner l'heure juste aux autorités sont allés à l'encontre de valeurs comme l'intégrité, la responsabilisation, la transparence et la neutralité politique. Dans ses propositions, la commission appuyait entre autres l'adoption d'une loi sur la divulgation plus rigoureuse que la LPFDAR et l'enchâssement dans la loi d'une charte des valeurs de la fonction publique. La commission a cependant souligné que seul un très petit nombre de fonctionnaires n'avaient pas respecté les valeurs fondamentales relativement au scandale etque « [l]a très grande majorité des fonctionnaires essayent de faire leur travail correctement et efficacement, de bonne foi[…]Note de bas de page 95 ».

En février 2004, tout juste après le dépôt du rapport de la vérificatrice générale surle scandale des commandites, et en novembre 2005, avant la parution du premier rapport Gomery, le gouvernement libéral a dévoilé un grand nombre d'initiatives devant contribuer à accroître laresponsabilisation gouvernementale. Ces initiatives, quiimposaient des exigences strictes en matière de vérification interne et de passation de marchés, ont renforcé lemouvement vers une fonction publique davantage axée sur les règles qui remontait à la crise de DRHC en 2000. La Commission Gomery a conclu que le scandale des commandites était une aberration qui ne justifiait pas l'adoption d'encore plus de règles.

Après l'élection du gouvernement conservateur en février2006, le projet deLoi fédérale sur la responsabilité pour combler les lacunes perçues dans la responsabilisation, la transparence et la surveillance était déposé. Bien qu'il ne contenait guère de nouvelles règles àl'intention des fonctionnaires, le projet de loi abordait un large éventail de questions, dont le lobbyisme, les nominations, la passation de marchés, l'accès à l'information, la dénonciation et la réforme du financement des partis politiques.

Après l'adoption en 2003 du Code de valeurs et d'éthique dela fonction publique, ons'est efforcé de contrer le mouvement croissant vers les règles. L'attention fut tournée vers la mise en pratique des valeurs du Code — afin de s'assurer que ces valeurs s'intègrent aux structures, processus et systèmes du gouvernement. Certains ministères avaient entrepris des démarches en ce sens peu après le dépôt du Rapport Tait, et le BVEFP avait lancé plusieurs projets devant favoriser la gestion axée sur les valeurs dans l'ensemble de la fonction publique. En 2000, le vérificateur général avait recommandé le lancement d'initiatives rigoureuses en matière de valeurs et d'éthique mais la vérificatrice générale a souligné en 2003 que de telles initiatives avaient été laissées aux divers ministèresNote de bas de page 96. À cette époque, les efforts depromotion des valeurs et de l'éthique variaient considérablement d'un ministère à l'autre; certains ministères en avaient beaucoup fait, mais la plupart très peu. Dans son rapport de novembre 2003 (publié au début de 2004), la vérificatrice générale a vivement conseillé de mieux intégrer les valeurs et l'éthique au travail quotidien des fonctionnaires et a recommandé en particulier au Secrétariat du Conseil duTrésor d'élaborer un modèle pour les initiatives ministérielles exhaustives, de veiller à ce que les ministères disposent des ressources nécessaires pour la formation sur les valeurs et l'éthique et de fixer des échéances aux ministères pour la mise en œuvre des initiatives globales liées aux valeurs et à l'éthiqueNote de bas de page 97. Il est remarquable qu'en Australie, le gouvernement fédéral et certains gouvernements d'État aient depuis quelques années adopté des mesures rigoureuses pour intégrer les valeurs àla fonction publique.

Ralph Heintzman, chef du BVEFP de 2003 au début de 2006, a établi une distinction entre deux types de facteurs influant sur le rendement dans le domaine des valeurs et de l'éthique de la fonction publiqueNote de bas de page 98. Il y a d'abord les facteurs qui contribuent à prévenir et à gérer les problèmes ou les manquements d'ordre éthique (p. ex. l'existence de lignes directrices, de normes et de cadres appropriés pour guider la conduite des fonctionnaires et la capacité de gérer les risques liés aux valeurs et à l'éthique). Le deuxième type est constitué des facteurs « qui dépassent la simple prévention des problèmes pour promouvoir véritablement un bon rendement dans le domaine des valeurs et de l'éthique » (p. ex. la qualité duleadership et de la gestion des personnes d'une organisation et la culture organisationnelle qui en résulte). Le Canada a le luxe de pouvoir consacrer des ressources au deuxième ensemble de facteurs parce que les fonctionnaires fédéraux ont été mêlés à relativement peu d'actes contraires à l'éthique, en particulier au sens d'actes de corruption. En outre, on s'attend à ce que les progrès dans cette voie contribuent à réduire le nombre de problèmes ou de manquements d'ordre éthique à gérer.

En 2001, Catherine MacQuarrie, alors directrice du BVEFP, a souligné la nécessité « de démontrer comment les valeurs et l'éthique peuvent engendrer des résultats concrets ». Elle soutenait que « [f]ondamentalement, un énoncé de principes doit être intégré à la réflexion éthique des fonctionnaires, guidant leur comportement etinfluençant leur prise de décisions à tous égards. Nous devons aider notre personnel à reconnaître très tôt les dilemmes de l'éthique, à harmoniser les valeurs concurrentielles et à pratiquer une prise de décisions fondée sur l'éthique. Enfin, et surtout, peut-être, nous devons améliorer les méthodes permettant de mesurer la valeur de notre travail individuellement et collectivement en tant qu'organisationNote de bas de page 99 ». En 2006, le BVEFP aélaboré une « Carte routière pour les résultats » pour aider les organisations publiques à mesurer leur rendement dans l'intégration des valeurs à leurs activités quotidiennesNote de bas de page 100. Cette attention nouvelle accordée aux résultats est la prochaine étape cruciale de l'évolution d'une fonction publique professionnelle animée par des valeurs communes dans la recherche de l'intérêt public.

La gestion et le perfectionnement du régime de valeurs etd'éthique de la fonction publique représentent pour le gouvernement un défi constant. Comme nous l'exposons ci-dessous, de nouvelles questions liées aux valeurs et àl'éthique surgissent et les questions perpétuelles en la matière prennent de nouvelles formes et une nouvelle importance — et nécessitent de nouvelles réponses.

Dans le cadre de son rôle traditionnel consistant à aider àdéfendre et à renforcer les institutions démocratiques, la fonction publique a la responsabilité de contribuer àréduire le déficit démocratique actuel et de promouvoir la confiance du public à l'endroit du gouvernement. Les valeurs démocratiques définies dans le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique, que complètent des instruments comme le Guide du ministre, le Guide du sous-ministre et le Cadre de responsabilisation de gestion, constituent un solide fondement pour l'exercice de ce rôle par les fonctionnaires. La Commission Gomery amis enrelief le défi de rééquilibrer les relations entre les ministres, les fonctionnaires et les parlementaires de manière à promouvoir les valeurs démocratiques que sontla responsabilisation et la transparence. Il faut trouver le juste milieu entre ces valeurs démocratiques et d'autres valeurs, dont la valeur professionnelle du service. De récentes recherches ont permis d'établir une preuve empirique d'un lien de causalité entre la qualité du serviceet la confiance à l'égard du gouvernementNote de bas de page 101, ce qui confirme la nécessité pour la fonction publique de continuer à se concentrer sur l'amélioration de la prestation de services.

Il est également nécessaire de concilier la tension entre lesdemandes d'accroissement de la transparence au gouvernement et d'amélioration de la protection de la vie privée de la part du public. Et il faut tenir compte du conflit connexe entre cette demande d'ouverture et le besoin ou le désir de secret de la part du gouvernement. Bien que le commissaire à l'information aitcondamné la culture du secret au gouvernement, le commissaire à la protection de la vie privée a prévenu que la vie privée des Canadiens est gravement compromise. La croissance rapide de l'utilisation des technologies de l'information et des communications (TIC) au gouvernement a compliqué larecherche d'un compromis entre ces deux tensions. Aucours de la dernière décennie, la tension entre l'amélioration du service parl'entremise du réseau Internet et la nécessité de protéger les valeurs que représentent la protection des renseignements personnels et la sécurité et d'assurer un service équitable par tous les principaux modes de prestation de services n'a cessé d'augmenter. De plus, des initiatives sont lancées pour favoriser un rendement élevé sur le plan de l'éthique dela part des fonctionnaires dans leur utilisation des TICNote de bas de page 102.

Le défi constant qui consiste à assurer la représentativité et la responsabilité de la fonction publique au moyen de pratiques d'emploi équitables découle non seulement de disparités historiques mais également de changements démographiques dans la population du Canada. La nature de plus en plus diversifiée, multiculturelle et multiethnique du Canada, conjuguée à la nécessité de livrer bataille au secteur privé pour l'obtention de travailleurs du savoir, exige une fonction publique qui reflète la diversité du pays. Parallèlement, le concept moderne de gestion de la diversité dépasse les éléments de l'équité en emploi que sont le sexe, la race, l'ethnicité et l'incapacité pour prendre en compte des facteurs comme l'âge, l'origine géographique, la religion et l'orientationsexuelle.

Les efforts récents de certains groupes professionnels de la fonction publique (p.ex. les vérificateurs internes, les évaluateurs de programmes) pour obtenir une meilleure mesure du professionnalisme constituent une autre illustration d'une question de valeurs et d'éthique naissante. L'adoption d'un programme d'éthique, dont uncode d'éthique, est essentielle au processus de professionnalisation. Les codes de ces professions à venir doivent être conciliés avec d'autres instruments de promotion des valeurs et de l'éthique comme le code de la profession dans son ensemble (p. ex. de l'Institut des vérificateurs internes) et le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique. Il faudra bien prendre soin d'éviter ou d'apaiser les conflits entre les valeurs, les règles, les normes et les lignes directrices de la profession et celles de la fonction publique.

8. L'épopée se poursuit

Au début de l'histoire du Canada, une commission royale a exprimé le souhait que la fonction publique devienne une vocation spéciale. La commission a dit souhaiter que « le poste de fonctionnaire » devienne « un honneur très convoitéNote de bas de page 103 ». Dans la présente étude, nous avons examiné lamesure dans laquelle l'espoir de la commission s'est concrétisé dans la longue marche du Canada vers une fonction publique professionnelle vouée à l'intérêt public.

L'histoire de la formation de la fonction publique professionnelle a été illuminée par un compte rendu del'évolution du régime de valeurs et d'éthique du gouvernement fédéral. La notion d'intérêt public loge au coeur de ce régime. Le Groupe de travail Tait, dans son étude historique sur les valeurs et l'éthique de la fonction publique, soulignait que « la notion d'intérêt public touche pour les fonctionnaires l'essentiel de leur raison d'être. Elle représente pour la fonction publique ce que représentent la justice et la liberté pour le milieu juridique ou ce que représentent la guérison et la compassion pour le milieu médical Note de bas de page 104 ». Le concept d'intérêt public a par conséquent obtenu la place d'honneur dans le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique.

Comme le Rapport Tait, le Code était un tournant décisif dans l'évolution du régime de valeurs et d'éthique. C'est à ce jour l'énoncé le plus éloquent de ce que représente la fonction publique. C'est également l'expression la plus complète de la réponse du gouvernement aux nombreux défis qui ont été soulevés dans le domaine des valeurs et de l'éthique depuis plus d'un siècle et demi. Ces réponses ont été présentées dans cette étude comme une série demesures déterminantes relativement à d'éternelles questions comme la réduction du favoritisme, de la corruption et des conflits d'intérêts, la clarification des relations entre les politiciens et les fonctionnaires et le respect de valeurs de la fonction publique comme la responsabilisation, l'équité, la réceptivité, le service, l'ouverture et la transparence. Ces valeurs illustrent la diversité des valeurs démocratiques, liées à l'éthique et autres qui influent sur les décisions des fonctionnaires — ce dont tient compte le Code dans sa classification des valeurs en quatre catégories.

De nouvelles questions continueront de s'ajouter aux questions perpétuelles mentionnées ci-dessus. En raison des réalités démographiques, un grand nombre des réponses à ces nouveaux défis deviendront la responsabilité d'une nouvelle génération de fonctionnaires. On s'attarde beaucoup depuis quelques temps à l'importance décisive du transfert de la connaissance organisationnelle à cette nouvelle génération. Un des objectifs de la présente étude était de contribuer à ce transfert de la connaissance en décrivant les nombreuses mesures qui ont été prises dans cette épopée des valeurs et de l'éthique. Un autre objectif était de sensibiliser les fonctionnaires actuels et futurs aux solides fondations qui ont déjà été jetées dans le domaine des valeurs et de l'éthique, aux mesures en cours pour renforcer ces fondations encore davantage et aux nouveaux défis à venir.

Le Code de valeurs et d'éthique a été rédigé afin d'aider les fonctionnaires à faire face aux questions perpétuelles et naissantes. C'est la pièce maîtresse du régime de valeurs et d'éthique du gouvernement canadien. Pour résister au passage du temps, il faut veiller énergiquement et constamment à ce que le Code transparaisse dans la gouvernance et les décisions de la fonction publique.

Chronologie des événements

La fonction publique et le gouvernement responsable (1840–1867)

  • 1848 : Gouvernement responsable
  • 1857 : Loi sur le service civil

En quête d'une fonction publique efficace et impartiale : 1867–1918

  • 1867 : Confédération et Acte de l'Amérique du Nord britannique
  • 1877 : Comité restreint de la Chambre des communes surle service civil
  • 1891-1892 : Commission royale sur le service civil
  • 1908 : Commission royale (Courtney) sur le service civil et
    Loi sur le service civil (créant la Commission du service civil)
  • 1918 : Loi sur le service civil

L'avènement de l'État administratif : 1919–1964

  • 1913 : Rapport Murray sur l'organisation du service civil
  • 1924 : Loi sur la pension du service civil
  • 1925 : Premier décret sur les conflits d'intérêts
  • 1931 : La Loi du revenu consolidé et de la vérification crée le Bureau du contrôleur du Trésor
  • 1940 : Le greffier du Conseil privé se voit confier le rôle additionnel de secrétaire du Cabinet
  • 1951 : Loi sur l'administration financière et Décret sur les conflits d'intérêts
  • 1961 : Loi sur le service civil
  • 1962 : Commission royale d'enquête (Glassco) sur l'organisation du gouvernement
  • 1964 : Lettre aux ministres du premier ministre Pearson sur les conflits d'intérêts

Des règles d'éthique aux énoncés de valeurs : 1965–1984

  • 1967 : Loi sur l'emploi dans la fonction publique, Loi sur lesrelations de travail dans la fonction publique et modifications à la Loi sur l'administration financière
  • 1968 : Loi sur les langues officielles
  • 1969 : Commission royale sur la situation de la femme
  • 1973 : Lignes directrices au sujet des conflits d'intérêts touchant les fonctionnaires et Normes de conduite des fonctionnaires fédéraux
  • 1977 : Loi sur le vérificateur général
  • 1978 : Lignes directrices concernant les activités commerciales des anciens fonctionnaires fédéraux
  • 1979 : Commission royale (Lambert) sur la gestion financière et l'imputabilité et Comité spécial (d'Avignon) sur la gestion du personnel et le principe du mérite
  • 1982 : Charte canadienne des droits et libertés
  • 1983 : Loi sur l'accès à l'information et Loi sur la protection des renseignements personnels
  • 1983-1984 : Groupe de travail sur les conflits d'intérêts

Pleins feux sur les valeurs : 1985–1996

  • 1985 : Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat et Code régissant les conflits d'intérêts etl'après-mandat s'appliquant à la fonction publique
  • 1986 : Loi sur l'équité en matière d'emploi
  • 1987 : Rapport du Comité des valeurs fondamentales, composé de sous-ministres
  • 1990 : Fonction publique 2000
  • 1991 : Décision de la Cour suprême sur les droits politiques des fonctionnaires
  • 1992 : Loi sur la réforme de la fonction publique
  • 1994 : Examen des programmes et nomination du conseiller en éthique
  • 1995 : Rapport du vérificateur général sur la sensibilisation à l'éthique et à la fraude au gouvernement
  • 1996 : Repenser le rôle de l'État, Projet de recherche sur les politiques et Rapport du Groupe de travail de sous-ministres sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique

Clarification des valeurs : 1997–2003

  • 1998 : Premier rapport Les citoyens d'abord et désignation de sous-ministres cochampions des valeurs et de l'éthique de la fonction publique
  • 1999 : Premier Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux et création du Bureau des valeurs et de l'éthique dela fonction publique
  • 2000 : Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes : Un cadre de gestion pour le gouvernement du Canada etRapport du vérificateur général sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique
  • 2001 : Politique du Conseil du Trésor sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail et Politique du Conseil du Trésor sur la divulgation interne d'information concernant les actes fautifs au travail
  • 2002 : Guide du ministre et du secrétaire d'État
  • 2003 : Guide du sous-ministre, Cadre de responsabilisation de gestion, Loi sur la modernisation de la fonction publique et adoption du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique

Vivre les valeurs d'une fonction publique professionnelle : 2004–

  • 2004 : Rapport du vérificateur général sur la reddition de comptes et l'éthique au gouvernement
  • 2004 : Création du Bureau du commissaire à l'éthique pour la Chambre des communes et du Bureau du conseiller sénatorial en éthique et Rapport du Groupe de travail sur la divulgation des actes fautifs
  • 2004–2006 :  Commission d'enquête (Gomery) sur le programme des commandites et les activités publicitaires
  • 2005 : Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles (projet de loi C-11) et proposition de Charte des valeurs et de Code de conduite de la fonction publique
  • 2006 : Lettre aux ministres du premier ministre Harper sur le gouvernement responsable et Loi fédérale sur la responsabilité

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